Des causes multiples
Tout a commencé dans la nuit du 22 au 23 décembre dans la boutique d’un menuisier, sans que l’on sache vraiment la cause directe de l’embrasement. Mais la question n’est pas tant de savoir pourquoi un incendie – évènement presque banal – a pris, que de comprendre pourquoi il a pris de telles proportions. Le cocktail semble avoir été le suivant :
- une baisse d’attention et de disponibilité en ce dimanche, jour propice à la fréquentation arrosée du cabaret, en particulier par le menu peuple ;
- un effet de panique conduisant les voisins à penser d’abord à sauver leurs biens, et en particulier, pour toute une population de robins et de petits propriétaires, leurs papiers ;
- l’absence de pompe et de pompiers et les hésitations des autorités à faire abattre des maisons, chacun espérant que le feu cesserait avant d’atteindre sa propre demeure ;
- de possibles faibles niveaux d’eau dans les puits, fontaines et rivière dus à un printemps sec ;
- lors du drame, l’absence de pluie et un vent fort et capricieux soufflant pendant plusieurs jours sur une ville densément bâtie, principalement en bois, et dont les greniers sont remplis de fagots.
Les combattants
Progressivement, les vieillards, les femmes, les enfants et quelques biens sont mis plus ou moins à l’abri et la résistance s’organise. Les charpentiers et les couvreurs sont comme toujours en première ligne, chargés de découvrir les maisons pour faire des coupe-feu, aidés des soldats qu’on accusera d’avoir au passage commis nombre de larcins. Des chaînes sont organisées depuis les puits et même à travers le couvent des Augustines, qui acceptent de voir leur maison traversée pour aller chercher l’eau de la Vilaine. L’intendant Feydeau de Brou, l’évêque Turpin de Crissé de Sanzay, mais aussi quelques parlementaires jouent ici ou là le rôle d’organisateurs de la lutte. Mais pas seulement : ainsi le prélat est-il par exemple vu encourageant les ouvriers et leur faisant porter nourriture, mais aussi portant lui-même des seaux. Certains nobles font appel à leurs paysans qui accourent de la campagne. D’autres organisent, d’autorité et sur leurs deniers, l’abattage des maisons, sauvant ainsi une rue, un quartier, mais aussi leur propre demeure. Les femmes ne sont pas en reste : ici, les Calvairiennes organisent la résistance devant chez elles, là c’est une dame Ropperts qui sert du cidre pour étancher la soif des combattants.
La bataille
Comment arrêter un tel brasier ? Le vent poussant les flammes vers le nord et l’est, elles arrivent devant le Parlement le 25, jour de Noël. Des flammèches fusent jusque loin en arrière du front : on dira en avoir éteint à l’entrée de l’actuelle rue de Saint-Malo. En prévision de l’avancée du feu, des maisons sont abattues ou simplement découvertes jusque sur les ponts habités qui conduisent vers la basse-ville. Le 27, le feu cesse de progresser. Grâce aux destructions tardivement réalisées ou grâce à la pluie ? Le fait est que bientôt, celle-ci arrive enfin et que le vent tombe. Bien des contemporains attribuent une origine surnaturelle à cette arrivée providentielle. Pour les habitants des quartiers nord, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle a intercédé auprès de son Fils ; pour les Franciscains de la place du Palais, ce serait la croix de leur ancien cimetière qui fut le pare-feu. Toujours est-il que le feu ne progresse plus et que l’incendie est considéré comme vaincu entre le 29 et le 30. Le feu s’est arrêté à l’ouest à proximité de la cathédrale et à l’est face au parlement et à l’église Saint-Germain, dans deux quartiers où se trouvent couvents et surtout hôtels particuliers en nombre significatif. Une topographie urbaine faite de murs de pierre plus fréquents, de jardins plus nombreux et de cours moins étroites explique donc aussi que le feu se soit arrêté là où vivaient plus qu’ailleurs d’influents personnages capables de payer des ouvriers pour abattre la maison de leurs voisins.
Le jour d’après
Le paysage qui se dégage alors est un amas de cendres et de pierres et poutres calcinées au milieu desquelles émergent des pans de murs en équilibre instable, ainsi que de rares maisons mystérieusement épargnées. S’il est vrai que le feu a frappé le centre géographique de la ville, il est vrai aussi que la liste des monuments disparus est relativement réduite : le beffroi si cher au cœur des Rennais, la chapelle des merciers et une partie de l’église Saint-Sauveur sont, avec quelques hôtels particuliers, les seules pertes remarquables. L’essentiel des pertes est constitué de maisons de bois comparables à celles qui ont survécu en marge du secteur incendié.