Les sinistrés du grand incendie qui frappe Rennes en 1720

Auteur : Gauthier Aubert / novembre 2020
Si l’incendie de Rennes a causé peu de morts, il a en revanche privé de toit un nombre remarquable de Rennais. Leur nombre est estimé à au moins 8 000 (et sans doute plus) mais le calcul est rendu difficile par l’absence de listes nominatives et la nécessité de passer par des sources indirectes : les rôles d’impôts et les déclarations des sinistrés. Encore sous-exploitées, celles-ci permettent de dévoiler un monde bigarré de victimes de tout type : ecclésiastiques, nobles, bourgeois robins et commerçants, petits boutiquiers, artisans et petits métiers.

Le relogement

Pour tous, la première urgence est de se loger. Déjà, pendant l’incendie, les couvents ouvrent leurs portes aux sinistrés. Certains, parmi les plus aisés, peuvent rejoindre leur propriété de campagne. D’autres sont hébergés dans le parlement lui-même, chez des parents ou amis ou trouvent un abri dans les quartiers populaires. Le vieux greffier de la municipalité, Gilles de Languedoc, qui demeurait en face de l’église Saint-Sauveur, se reloge dans la basse-ville inondable et peu considérée, avant de trouver un nouveau gîte sur la populaire place Sainte-Anne. Les faubourgs se remplissent d’habitants, qui y resteront parfois toujours, le centre reconstruit étant plus aéré et espacé et donc moins peuplé que ne l’étaient les quartiers incendiés. Mais le phénomène le plus original et durable consiste dans la construction de baraques qui vont finir, pour beaucoup, par devenir de petits immeubles. Si certaines sont bâties à l’intérieur de la ville, la plupart le sont autour de celle-ci, formant une ceinture plus ou moins continue d’habitat populaire au pied des murailles. Une vingtaine existe encore, du côté de la rue de la Visitation, bâties pour partie sur les anciennes douves comblées avec les décombres de l’incendie.

 

Les aides

Très vite aussi, tout un système d’assistance directe et indirecte se met en place. Dès le 28 décembre, les paysans des alentours doivent fournir de quoi nourrir les sinistrés. En janvier, le parlement rappelle à l’ordre les propriétaires des maisons épargnées qui pratiquent des loyers excessifs. Quant à la monarchie, elle envoie des aides financières, distribuées sur place principalement par les paroisses et les hôpitaux. Les frais de décombrement sont à la charge de l’État. Près de 1 300 foyers de sinistrés sont en outre exemptés du paiement de l’impôt de la capitation pendant deux ans. D’autres mesures allant dans le même sens sont aussi prises et l’historien Claude Nières résume bien la situation : « l’aide de l’État consistait moins en un apport d’argent frais qu’en une série de mesures financières et juridiques ayant pour but d’alléger les charges des constructeurs et leur faciliter le financement de leurs travaux ». La reconstruction est en effet très rapidement l’objectif prioritaire.

Inventaires après désastre

Les déclarations des sinistrés écrites dans les jours et semaines qui ont suivi le drame permettent de découvrir, ponctuellement, des récits vivants de l’évènement faits d’évacuations et de déménagements successifs et désordonnés au gré de l’avance du feu, avec la peur incessante de se voir voler ce que le feu n’a pas détruit. Certains racontent comment leur maison, quoique épargnée, a été endommagée dans le cadre de la lutte contre le feu. Nombreux sont aussi ceux qui dressent plus ou moins précisément la liste des pertes. Papiers, meubles, vêtements, réserves reviennent de manière incessante, mais, parfois, émergent des particularités : le marquis de Coëtmadeuc signale la perte d’une importante collection de peintures ; le président de Cornulier déplore la disparition de sa belle bibliothèque. Ici ou là, les déclarations révèlent aussi l’existence perdue de petites collections, de petits cabinets de curiosités, d’instruments de musique, etc. Plaintes aux accents possiblement exagérés tournant parfois au réquisitoire ou à la prière, récits à valeur cathartique, inventaires mobiliers et immobiliers parfois tatillons, ces déclarations renvoient à l’extrême diversité sociale et culturelle des victimes et, au-delà, au traumatisme collectif ressenti.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Gauthier Aubert, « Les sinistrés du grand incendie qui frappe Rennes en 1720 », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 12/11/2020.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/les-sinistres-du-grand-incendie-qui-frappe-rennes-en-1720

BIBLIOGRAPHIE :

  • Aubert Gauthier, Provost Georges (dir.), Rennes, 1720. L’incendie, Rennes, PUR, 2020 (avec en particulier deux contributions de David Garrioch sur l’incendie proprement dit).
  • Charil de Villanfray Michel, Reconstitution de la propriété urbaine après l’incendie de Rennes en 1720, Rennes, Presse de Bretagne, 1923.
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  • Leloup Daniel, Rennes. Une capitale en pan-de-bois, Morlaix, Skol Vreizh, 2017.
  • Nières Claude, La reconstruction d’une ville au XVIIIe siècle. Rennes 1720-1760. Rennes, Université de Haute-Bretagne, Institut armoricain de recherches historiques, vol. 13, 1972.
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  • Richer Antoine, Le Grand Incendie. L’incendie de Rennes de 1720, mémoire de master 1 sous la direction de Aubert Gauthier, Université Rennes 2, 2018.

SITOGRAPHIE :

Proposé par : Bretagne Culture Diversité