C’est le 2 août 1899, à Rennes, que paraît pour la première fois le quotidien L’Ouest-Éclair. Il a été fondé par deux Bretons aux origines morbihannaises, l’abbé Trochu et Emmanuel Desgrées du Loû. Le premier est un prêtre progressiste qui a travaillé dans différentes œuvres sociales, particulièrement pour le développement des syndicats paysans et des caisses rurales, le second est un jeune avocat qui est parvenu à réunir 86 000 francs pour le lancement du journal. Tiré alors à 1 800 exemplaires, le premier numéro de L’Ouest-Éclair s’inscrit dans le développement de la presse catholique en région.
Pionnier de la démocratie chrétienne
L’Ouest-Éclair devient en fait l’organe de la tendance démocrate-chrétienne en Bretagne, appelant les catholiques à participer au mouvement démocratique et à la République. Emmanuel Desgrées du Loû est un chaud partisan de la politique de ralliement du pape Léon XIII auquel il consacrera l’un de ses ouvrages. Proche du Sillon de Marc Sangnier, c’est par ce biais qu’il recrute le futur grand résistant Henri Teitgen, qui assure la rédaction en chef de 1907 jusqu’à la guerre. Le fondateur de L’Ouest-Éclair sera, en 1924, l’un des pionniers du Parti démocrate populaire dont le journal soutiendra systématiquement les candidats. Promoteur d’une certaine justice sociale, le journal milite pour un développement économique et l’industrialisation de la Bretagne.
Malgré les difficultés matérielles, particulièrement pendant la Première Guerre mondiale, L’Ouest-Éclair voit ses ventes augmenter. Le lancement d’une nouvelle formule en janvier 1914 et la parution d’un feuilleton de Clément Rochel, « Le Sorcier de Brocéliande », contribuent à ce succès. Tout comme le fait que les dirigeants adoptent les recettes de la presse industrielle et populaire. Sa maquette comme ses rubriques sont alors particulièrement attractives pour l’époque. En 1924, le tirage atteint 250 000 exemplaires. En 1932, sa zone de couverture s’étend à toute la Bretagne, à l’Anjou, à la Basse-Normandie et au Maine. Il est alors le premier quotidien régional en tirage. L’Ouest-Éclair devient une institution rennaise, avec notamment son siège situé dans la rue du Pré-Botté.
Abbé démocrate, Trochu soutient lui aussi les candidats chrétiens-sociaux, ce qui lui vaut une vive hostilité de la hiérarchie catholique – les évêques bretons interdisent aux prêtres de s’abonner au journal –, mais il conserve le soutien du Vatican jusqu’en 1930. Cette année-là intervient un conflit entre les fondateurs de L’Ouest-Éclair, provoquant le départ de l’abbé Trochu, qui tente de lancer, quelque temps plus tard, un concurrent : Ouest-Journal, disparu en 1936. Emmanuel Desgrées du Loû meurt en 1933. Depuis trois ans, il avait embauché son gendre, Paul Hutin-Desgrées.
La fin de L’Ouest-Éclair
La débâcle de 1940 et l’arrivée des troupes allemandes à Rennes provoquent un vif débat au sein de la rédaction. Paul Hutin-Desgrées et François Desgrées du Loû, fils d’Emmanuel, se mettent en retrait du journal, estimant que l’exercice de la presse est impossible avec la censure allemande. Ils exigent ainsi que le nom d’Emmanuel Desgrées du Loû soit retiré de la manchette de une. D’autres arguent du fait que le journal fait vivre 800 familles pour maintenir la parution.
L’Ouest-Éclair continue donc à paraître pendant l’Occupation. Plusieurs plumes du journal écrivent des articles collaborationnistes, notamment André Cochinal sous le pseudonyme de Jacques Favières. L’écrivain Roger Vercel publie un article clairement antisémite le 16 octobre 1940. Certains dirigeants du journal seront condamnés à la Libération, dont son directeur politique, Jean des Cognets. L’Ouest-Éclair cesse de paraître le 1er août 1944, quelques jours avant la libération de Rennes. La rédaction est ensuite reprise en main par Paul Hutin-Desgrées et François Desgrées du Loû, qui relancent le journal sous le titre Ouest-France, aujourd’hui le premier quotidien régional français. Il a quitté le siège historique du Pré-Botté en 1972 pour s’installer à Chantepie.