La vigne en Bretagne

Auteur : Guy Saindrenan / août 2022
La vigne a été cultivée de manière pérenne et visible dans les presqu’îles de Rhuys et de Guérande, autour de Redon, de la Rance maritime et en d’autres lieux de manière plus ponctuelle et fugace. Pourtant, c’est le cidre qui est aujourd'hui associé à l’image de la Bretagne. Le vin l’est dans une moindre mesure, surtout comme toile de fond de l’alcoolisme breton, et l’idée que la vigne ait pu être cultivée en Bretagne paraît incongrue, sauf dans le pays nantais où elle est toujours présente.

Carte illustrant les régions qui furent viticoles, quelle que soit l'époque considérée. Réalisation : Guy Saindrenan/Mikaël Bodlore Penlaz. GeoBreizh.bzh.

En pays de Rance

En pays de Rance , le vignoble le plus septentrional, la culture de la vigne n’est plus mentionnée au-delà du XVIIIe siècle. Réelle sans doute depuis le haut Moyen Âge, sa présence est attestée formellement par les archives à partir du XIe siècle autour de Dinan, sur les deux rives de la Rance jusqu’à la mer et dans tout le Clos Poulet. Les raisons de sa disparition ne sont pas clairement établies, mais il paraît probable que les importations de vins parisiens, poitevins et bordelais, meilleurs que les vins locaux, en soient la cause, conjointement à un épisode climatique très froid autour de 1740.

Autour du golfe du Morbihan

En presqu’île de Rhuys, l’arrivée de la vigne n’est pas non plus datable précisément ; saint Gildas y est-il pour quelque chose ? Peut-être ! La vigne est attestée au début du XVIe siècle et sa culture perdurera jusqu’en 1993, date de la dernière déclaration de récolte officielle dans la presqu’île. La période faste du vignoble se situe à la fin du XIXe siècle quand il se convertit à la fabrication d’eaux-de-vie qui connurent un réel succès d’estime avec notamment la « fine de Rhuys ». Cette mutation s’effectua à la faveur de l’éradication du vignoble de Cognac par le phylloxéra, vers 1880, jusqu’à ce que le parasite atteigne à son tour le vignoble rhuysien (1903). Sa reconstitution après la Première Guerre mondiale sera insignifiante et majoritairement constituée de plants hybrides qui furent plus tard condamnés à l’arrachage.

Mignonette fine de Rhuys. Musée des arts, métiers et commerces. Largueven, Saint-Gildas-de-Rhuys - Philippe Lanoë
Vigne de la presqu’île de Quiberon. À l’époque de son extension maximum (vers 1900) le vignoble de Rhuys débordait largement sa presqu’île d'origine, jusqu' à Carnac et la presqu’île de Quiberon à l'ouest -  fonds Guy Saindrenan

Basse-vallée de la Vilaine

À Redon, la vigne a fait partie du paysage jusque vers 1950, mais déjà au début du XIXe siècle le vignoble ne comptait guère plus de 300 hectares. Redon, port de mer et avant-port de Rennes, cette situation a sûrement joué contre sa viticulture en permettant l’arrivée de vins exogènes (bordelais notamment) de meilleure qualité que les vins locaux. Il est réaliste de penser que les moines de l’abbaye de Saint-Sauveur (832) furent les premiers vignerons locaux, même si le cartulaire de l’abbaye mentionne surtout des propriétés viticoles éloignées, dans la presqu’île guérandaise ou le pays de Retz.

Pays guérandais

Plus au sud, dans la presqu’île de Guérande, la vigne est cultivée depuis le Moyen Âge. Le vin produit, autant que le vin importé de Bordeaux par la marine guérandaise, nourrit un commerce fructueux, notamment avec l’Angleterre. Le vignoble local est situé sur le flanc du coteau qui domine la baie du Traict et qui s’étire de Piriac à La Baule. L’exposition sud-ouest de ce coteau conjuguée à l’inclinaison du terrain constituent des facteurs favorables à la culture de la vigne dans une région proche de sa limite nord, où la maturité optimale du raisin ne s’obtient qu’au prix de quelques privilèges climatiques. Certains clos acquièrent une réelle réputation locale (Congor, Clos de Rignac). La mention la plus ancienne de la viticulture date de 831 : il s’agit d’une pièce de terre appartenant à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon située à Piriac. À la fin du Moyen Âge, la production locale de vin est estimée à près de 20 000 hectolitres. Le pineau d’Aunis, cépage d’origine angevine, y aurait été introduit par les bénédictins de l’abbaye de Saint-Florent-le-Vieil au prieuré d’Escoublac. Cette assertion tirée d’une archive du XVIIIe siècle, elle-même constituée d’une interpétation d’un document du XIe siècle s’est avérée fautive. Rien n’autorise donc à dire que le cépage guérandais désigné par le nom « Aunis » soit l’actuel pineau d’Aunis. Les éléments d’information recueillis sur la morphologie externe et la physiologie du cépage  laissent à penser qu’il s’agit du chenin. Néanmoins, l’encépagement de ce vignoble apparaît diversifié et original, contrairement aux autres vignobles bretons. Un effet de l’ouverture sur la mer ? Peut-être. Comme ses voisins de Rhuys et Redon, le vignoble guérandais disparaîtra vers la fin du XXe siècle, après avoir été détruit par le phylloxéra vers 1890 et reconstitué en hybrides producteurs directs, dont la culture et l’utilisation seront progressivement interdites.

Pays nantais

Le vignoble nantais se distingue des précédents par sa taille (environ 17 000 ha actuellement), qui explique aussi sa survivance. Aujourd’hui producteur de vins fins (AOC) pour plus de la moitié de sa production, il émerge d’une longue période difficile au plan économique. Depuis la fin du XVIe siècle jusqu’à la Révolution, il fut un vignoble producteur d’eau-de-vie constitué majoritairement de gros-plant. Jusqu’à l’apparition du phylloxéra (1884), ce même vignoble produira des petits vins consommés sur place ainsi que le long de la côte sud de la Bretagne et la côte nord de Vendée. L’essor du muscadet et des vins de qualité date de la décennie 1920, qualité qui sera confirmée par le passage en AOC des muscadets dès 1936. En 2011, sont parus les décrets concernant les trois premières appellations communales : Clisson, Gorges, Le Pallet ; sept autres devraient suivre, consacrant ce 3ème niveau de qualité auquel les consommateurs devraient plus s’intéresser.

Des traces dans la toponymie

Toutes les régions qui viennent d'être évoquées portent aujourd’hui des traces de la vigne dans les toponymes des lieux-dits ou des parcelles cadastrales, même lorsque la vigne a déserté les lieux. Ainsi sur la rive droite de la Rance, à un endroit où la rivière s'élargit, trouve-t-on "l'anse des Vigneux" ; à Sarzeau il existe une voie dénommée "Goh viniec" qui signifie "vieille vigne", Redon possède aujourd'hui une rue de la vigne. Sur le cadastre napoléonien de Guérande trois parcelles sont regroupées sous la nom de "port au vin" et la plupart des communes ont une rue ou une impasse de la vigne.

Verra-t-on de nouvelles vignes en Bretagne ? C’est bien possible et c’est déjà une réalité, au travers de quelques douzaines de vignes patrimoniales constituées au cours des vingt dernières années, mais aussi des vignes constituées à des fins commerciales depuis 2016, date de la libéralisation des droits de plantation. La première catégorie, sans objectif mercantile, constitue un ciment social dans les quartiers et villages où ces vignes sont implantées, dans la mesure où leur exploitation donne lieu à des travaux collectifs et des réunions festives, tout particulièrement lors des vendanges. Quant aux vignes professionnelles constituées plus récemment, elles produisent leur premier millésime en 2022.

 

CITER CET ARTICLE

Auteur : Guy Saindrenan, « La vigne en Bretagne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 17/08/2022.

Permalien: https://bcd.bzh/becedia/fr/la-vigne-en-bretagne

Documentaire

 

Bibliographie

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité