Les mécanismes de la violence

Auteur : Dimitri Poupon / avril 2024

Qu’est-ce qui pousse de simples soldats à massacrer une quarantaine de civils dans une petite commune du nord-Finistère ? Outre les ordres et la nazification de la Wehrmacht, d’autres facteurs permettent d’expliquer ces mécanismes meurtriers.

Tout d’abord, la discipline militaire allemande, issue de l’héritage prussien, a probablement joué un rôle crucial. Les soldats sont tenus, bridés et lourdement sanctionnés en cas de manquement au règlement. Refuser un ordre, c’est donc risquer sa vie. La cohésion, l’esprit de corps qui constitue le socle du groupe primaire de la section, du régiment, renforcent le passage à l’acte. Personne ne souhaite être mis de côté, être traité de lâche, se mettre en dehors de ce groupe primaire. Alors certains commettent ce qu’ils n’auraient sans doute jamais fait sans l’influence du groupe.

Le contexte peut également constituer un élément d’explication. Les soldats allemands sont en état de siège, ils se savent presque encerclés, et aucun renfort ne pourra venir à leur secours. Et soudain, des civils, devenus résistants, qu’ils côtoyaient depuis presque quatre ans, se retournent contre eux. Il y a donc un sentiment de trahison, de vengeance. Pour ces soldats allemands, leur vengeance est totalement légitime, ils sont dans leur bon droit. Leur justice militaire, non seulement les autorise à répliquer, mais surtout, depuis février 1944, les oblige à commettre de telles atrocités.

Le 7 août, à Gouesnou, une fois l’attaque des résistants passée, les Allemands contrôlent la commune, ils dominent le terrain et sa population. Les Alliés sont encore à quelques kilomètres, mais nous sommes dans un brouillard de guerre. Ces derniers décident donc de convoyer les otages à l’extérieur du bourg, loin des regards, dans une sorte de huis clos macabre dans lequel personne ne pourra être témoin du massacre. Du côté des massacreurs, on ne laisse pas d’écrit, mais surtout, pas de témoins. L’impunité est la plus totale, la déshumanisation l’est également. Les corps sont mutilés avec des grenades, et les bourreaux tentent de mettre le feu au charnier pour le faire disparaître.

Le massacre de Penguérec a donc été le produit d’une succession de facteurs, et d’un contexte tragiquement favorable à un massacre de la part des soldats de la 805e Marine-Flak-Abteilung, qui n’étaient pourtant pas une unité destinée à commettre un tel crime, contrairement aux protagonistes du massacre d’Oradour-sur-Glane, qui étaient non seulement des Waffen-SS, mais surtout des vétérans du front de l’Est rompus à ce genre de pratiques.

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Auteur : Dimitri Poupon, « Les mécanismes de la violence », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 23/04/2024.

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