Les premières revendications métropolitaines de Dol
Comme tous les diocèses bretons, Dol – érigée au plus tôt en évêché au cours du VIIIe siècle – dépend formellement de la province ecclésiastique de Tours mais, à compter de 862/3, paraît la première mention d’un « débat sur la question de savoir qui est le métropolitain chez les Bretons » dans une lettre du pape Nicolas Ier (858-867) adressée à Salomon de Bretagne (857-874). En réclamant le pallium au prétexte d’une tradition inventée de toutes pièces, Salomon et les évêques bretons semblent avoir cherché à mettre un terme au conflit qui les oppose au clergé franc et, dans une moindre mesure, à Rome, après le pseudo-concile de Coëtlou (849) réuni par Nominoë (ca. 830-851) sans l’aval de Tours.
L’intervention de Grégoire VII
À la mort de Nicolas Ier, l’affaire n’est pas réglée et si la prétention métropolitaine sort renforcée des années de perturbation consécutives aux invasions scandinaves, ce n’est pas avec le soutien de l’ensemble des évêques bretons : jusqu’à la fin de la querelle entre Tours et Dol, les évêchés de Nantes, Vannes et Quimper se rallieront toujours à Tours. En dépit de cet état de fait, des protestations de Tours et des rappels à l’ordre de Rome, les évêques de Dol n’ont dorénavant aucun scrupule à s’autoproclamer archiepiscopus (archevêque), et ce jusqu’en 1076, où la situation change du tout au tout. À cette date, le pape Grégoire VII donne pour la première fois une légitimité aux deux siècles de revendication doloise en nommant le premier archevêque de Dol, Even (1076-1081), vraisemblablement avec l’intention de promouvoir la réforme de l’Église dans la péninsule via une province ecclésiastique bretonne.
Une métropole de Dol dans l’orbite anglo-normande
Par la suite, et même si en 1081 le projet de Grégoire VII est abandonné, les prélats dolois obtiennent assez systématiquement le pallium, sans doute en s’appuyant sur ce précédent et le flou qu’ils entretiennent autour du soi-disant statut métropolitain de leur Église. La bipolarisation Dol / Tours, effective et unanimement reconnue à l’extérieur de la province, traduit sur le plan ecclésiastique la situation géopolitique d’une Bretagne désunie : ainsi, les évêchés dont les ducs de Bretagne, Alain Fergent (1084-1115 ?), puis son fils Conan III (1115-1148), sont réellement maîtres (Rennes, Nantes, Vannes et Quimper) sont tous suffragants de l’archevêque de Tours, tandis que Dol dispose, au mieux, de quatre suffragants, et à compter de 1122 de deux (Saint-Brieuc et Tréguier), tous dans le ressort territorial du comte Étienne de Lamballe-Guingamp (1079-ca.1138), proche du pouvoir anglo-normand. À la fin du XIIe siècle, c’est Henri II Plantagenêt qui n’hésite pas à intervenir dans l’élection des évêques de Dol, tandis que, pour la première fois, un roi de France, Louis VII, puis Philippe Auguste, se saisit de cette affaire pour y faire mettre un terme.
Quand, le 1er juin 1199, Innocent III tranche définitivement en faveur de Tours, il y a longtemps qu’a sombré dans l’oubli la genèse de la querelle métropolitaine mais au cours de ses trois siècles d’existence les évêques et les clercs de Dol ont accumulé textes hagiographiques et historiographiques pour justifier de leur prétention. De ces textes s’empareront bientôt les premiers chroniqueurs et historiens de la Bretagne pour faire de Dol ce qu’elle n’a jamais été : la métropole d’une Bretagne unifiée ecclésiastiquement et politiquement.