Aperçu des noms de lieux de Bretagne : les thèmes utilisés dans les noms de lieux

Auteur : Jean-Yves Le Moing / février 2017

La description de la nature : hauteurs et vallées, eaux et rivières, flore et faune

Les pays celtes ne sont pas des pays plats, d'où l'abondance de noms descriptifs de hauteurs et de vallées, tant en gaulois que dans les langues celtiques modernes.

On a donc des mots souvent communs à ces langues, comme Menez, "montagne", Bré, "hauteur", Bren, "colline arrondie ", Run, "colline", Ros, "promontoire", mais aussi "hauteur plate" ou "côteau".
En français, Mont et Montagne sont aussi très utilisés. Le mot Grée, "colline pierreuse" est d'origine gauloise, avec son correspondant breton Gra, "pente, montée" qui donne des Penn ar C'hra ou Beg ar C'hra, "le bout de la montée". Krag en breton désigne des aiguilles de schiste...

Le mot français Bosse, "hauteur arrondie", a son correspondant bretonnisé Bossen et son pluriel Bossennoù. 
Les terrains rocheux ou pierreux peuvent être des Péroux ou Pérouse en gallo ; en breton on trouve des Maeneg ou Karreg.

Traon, Traonienn et ses dérivés (Téno, Tro, ...) , ainsi que quelques Nant vont désigner des vallées en breton, Val et Vau sont fréquents en gallo, ainsi que Noë "vallée humide", ou encore des Combes, qui ont un correspondant Komm en breton.

La rivière Aulne du Finistère se dit Ster Aon en breton : elle est un ancien Avon, rivière, que l'on trouve en Grande-Bretagne, devenu Aven en Bretagne à Pont-Aven (29).

Gwazh, "ruisseau", Ster, "rivière", Froud, "cours d'eau rapide" sont fréquents en Bretagne, Lenn, Loc'h ou Stang désignent des étangs ou des lacs ; Gwern désigne un marais (ou l'aulne qui pousse à côté) ; le latin Palus, paludis désigne des marais, d'où le breton Palud et le gallo Palue. Gacel a aussi le sens de marais, d'où La Gacilly (56).

Aber désigne un estuaire de rivière, en bord de mer ; le terme est suffisamment connu pour qu'il ne soit pas utile de le traduire en "ria". Dans le sud Bretagne on va trouver le terme Etier, issu comme Ster du latin Estuarium, et désignant le canal d'eau salée vers les marais salants.

Les fontaines (Feunteun, Fetan en breton) sont nombreuses ; Stivell désigne une source jaillissante, et non un filet d'eau.

Le mot Forêt a été emprunté en breton au Moyen-Age sous la forme Forest. Le mot Bois est aussi très fréquent, ainsi que Koad, ar C'hoajoù en breton ; Koed en vannetais représente la forme du Moyen-Age, qui a donné Le Folgoët (29).

Les noms de plantes forment souvent des collectifs avec le sufixe latin -etum (évolué en -it ou -oet en breton) ou le suffixe breton -ec, -eg.

Les noms des arbres sont souvent utilisés dans les noms de lieux, comme l'If , en breton Ivin ; le Chêne, en breton Derv, Dervenn ou Tann (chêne rouvre) ; le Hêtre est surtout représenté par le gallo Fau, ou le breton Faou, Fou ; le Noisetier est en gallo Coudre ou Coudrier, en breton Coll ou Kelvez ; l'Aulne a conservé la forme gauloise Verne, en breton Gwern ; le Houx a donné de nombreuses Houssaies, en breton Kelenn, Kelenneg ; le Saule est la forme moderne du latin Salix, qui a donné aussi le breton Haleg ; le Bouleau vient de Betula, emprunt latin au gaulois, qui devient Bezo en breton, ou Béo, avec des dérivés Bezoët, Bihoué.. Le gaulois a donné aussi la forme Besse en français, proche du gaélique Beith, que l'on trouve en vieux-breton dans la forme Rosbeith de la commune de Rospez (22).
Les arbres cultivés vont être des Pommiers, en breton Aval ; le latin Pommaretum désignait à l'origine un verger ; il a produit des Pommeret, Peumerit... Les Poiriers sont plus rares, mais vont donner des lieux nommés Piruit ou Pirieuc ; ce n'est pas le cas de Piriac (44), ancien Penceriac.

Les arbustes vont être des Buis, en breton Beuz et son dérivé Beuzit ; le Genêt est Balan ou Banal en breton, d'ou Bannalec (29) et Ploubazlanec (22) ; l'Ajonc va être Jan en gallo, et Lann en breton (à ne pas confondre avec Lan, ermitage ou monastère) ; le Roseau va donner des Roseliers en gallo, des dérivés de Broen en breton.

Plus au ras du sol, la Bruyère ou Bruère vient du gaulois Bruc-, identique au breton Brug.
Les Ronces produisent des Roncières ou Ronceray, et Drez, Drezenn en breton va donner des Drezit, Drezeg.

L'Epine, en breton Draen, va donner des Dreneg, Dreneuc, des Kerdren, mais aussi Epiniac (35).

Les arbustes épineux vont utiliser le breton Spern, comme Bodspern, Kerspern ; le mot est connu aussi en gaulois, tel Epernay (Marne).
Le Chardon est Ascol en breton, qui a donné Aucaleuc (22) et Plusquellec (22).

Ils sont peu fréquents dans les noms de communes, mais Chantepie (35) près de Rennes est facile à comprendre ; le breton Pig désigne la Pie, et va produire des Nespy, Nespic, des Castel-Pic, Roz ar Pig... La Chouette est Kaouenn en breton, d'où Caouennec (22), quand Cavan (22) est issu du gaulois Cavannos, "chouette", vieux français Chahuan, moderne Chat-Huant !

Cavannos est probablement aussi à l'origine de Chavagne (35) et Chevaigné (35).

La Chèvre, en breton Gavr, mot connu en gaulois, donne Gâvres (56), Le Gâvre (44), et aussi Gavrinis, île du Morbihan. Le Cheval, Marc'h en breton, donne Penmarc'h (29) et quelques dizaines de lieux-dits. Le gaulois Caballos donne le Cap-Caval (29) [et le français cheval]. Le Loup apparaît dans Chanteloup (35) et dans les termes Blei(z) ou Blay de noms de lieux-dits de Basse-Bretagne.
Mais Domloup (35) se rapporte à saint Loup, évêque de Troyes, qui accompagna saint Germain d'Auxerre en Grande-Bretagne.

Les populations qui se sont succédées depuis des millénaires ont laissé de multiples traces de leur passage... tant par des constructions de bâtiments que par des aménagements ou l'exploitation des sols que par la création de chemins et de routes au cours du temps.

Les témoignages visibles les plus anciens sont certainement les dolmens, menhirs, allées couvertes et tumuli dont beaucoup sont encore présents, surtout dans la région de Carnac.
La Roche aux Fées à Essé (35) est une construction mégalithique très connue. Ces allées couvertes étaient autrefois recouvertes de pierres et de terre, et ont formé des tumulus ; près de Carnac, on trouve souvent le nom de Mané, variante de Menez, "Montagne", pour nommer ces sites : Mané-Lud, Mané-Kerioned...

Le latin Basilica a désigné des édifices publics puis des églises ; le nom a évolué en Haute-Bretagne vers Bazouges (4 communes d'Ille-et-Vilaine portent ce nom) ; le mot Chapelle a donné un nombre important de noms de communes, surtout en Haute-Bretagne. Deux communes de Basse-Bretagne s'appelle La Chapelle-Neuve, avec leur version bretonne ar Chapel Nevez.

L'habitat rural a laissé divers noms de lieu : si Maison donne des centaines de noms de hameaux, on trouve aussi Buron, "cabane", ou Borde, "grange" en Haute-Bretagne. En Basse-Bretagne, Ti, "maison", souvent écrit Ty, donne plus de 2000 noms de lieux. La Haute-Bretagne complète par des noms descriptifs ou de personnes suivis des suffixes "-ais", "-ière" ou "-erie". La Giclais, nom assez fréquent, est l'exploitation d'une personne nommée Gicquel.

L'habitat défensif va débuter par des enclos protégés par des haies d'épineux : ils sont surtout représentés par des Plessix en Haute-Bretagne et des Quenquis (Kenkiz) en Basse-Bretagne.
La Haie défensive a donné aussi des centaines de noms, sous les formes la Haye ou la Haie, et un nom de commune : La Haie-Fouassière (44). 
Puis ce sera l'époque des mottes (XIe siècle) avec la basse-cour agricole à l'extérieur et la haute-cour à l'intérieur. Ce mot s'est retrouvé figé sous sa forme française du Moyen-Age par le breton à Tossenn Lamotta près de Lannion (22). La Motte est rendue par Ar Voudenn en breton, avec parfois des appellations bilingues. 
Après les mottes, on arrive aux constructions défensives en murailles de pierre, souvent en hauteur. D'où des noms comme Montauban (35), Montfort (35), Montautour (35), avec des noms descriptifs ou des noms de personnes après Mont : Montdidier (35), Montgermont (35), Montmuran (35). Puis, avec le mot Château, que nous avons déjà vu, ce sont de véritables forteresses qui apparaissent...

En breton, le mot Lis du vieux-breton désigne la cour, la demeure d'un seigneur : ce mot a donné peu de noms de communes, mais beaucoup de noms de manoirs. Le mot vieux-breton Bod désigne la demeure d'un personnage important, probablement non fortifiée. Souvent suivi d'un nom de personne, il ne faut pas le confondre avec le breton moderne Bod qui a le sens de "buisson".

Les noms en Treb- désignaient des exploitations agricoles où vivait une communauté : équivalentes des Villas gallo-romaines, elles étaient souvent des subdivisions de paroisses, et ont donné plus de soixante-dix noms de communes. Dès le Xe siècle, le mot Caer, demeure fortifiée, va se substituer à Tre comme équivalent de Villa. Ceci va conduire à de nombreux noms en Car en Haute-Bretagne, la Villa latine devenant aussi La Ville. Comme Ville, le breton Caer, devenu Ker, va désigner un hameau non fortifié, puis aussi une agglomération importante. On a ainsi plus de vingt communes en Ker- et quelques communes en Car- : Kerfeunteun (29), Kergrist (56), Kerlouan (29), etc. et Calorguen (22) noté Carorguen en 1184 : ce dernier contient le nom féminin Aourken, "belle comme l'or". 
Le mot Ker va donner jusqu'à 20.000 noms de lieux-dits en Basse-Bretagne, très souvent suivi du nom du propriétaire, ou d'un nom descriptif de la nature.

Les activités humaines ont aussi consisté à créer des routes pour relier les hommes, d'où des ponts pour traverser les rivières, et des noms de lieux associés comme Hennebont (56), "le vieux pont", Paimpont (35), "le bout du pont", Pontivy (56) lié à saint Ivy, Pontrieux (22), "pont sur la rivière Trieux", etc... Barrages, digues et moulins vont aussi donner quelques noms de lieux, comme Comper (35), proche d'un gaulois Comboros, " barrage", et du breton Kemper, "confluent" qui a donné Quimper et Quimperlé (29, Quemper-Guézennec (22).
Les activités de forges vont aussi donner leur nom à quelques communes : Les Forges (56), Forges-la-Forêt (35) ; ou encore la poterie : Saint-Jean-la-Poterie (56), La Poterie (22).

Quelques dizaines de communes de Bretagne comportent uniquement des noms de personnes comme nom de lieu : parfois noms de saints, plus souvent noms de personnages inconnus, leur étude se rattache aux anthroponymes anciens.

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Auteur : Jean-Yves Le Moing, « Aperçu des noms de lieux de Bretagne : les thèmes utilisés dans les noms de lieux », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 6/02/2017.

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité