Choix politiques

Auteur : Saphyr Creston / juillet 2019

La posture de Creston pendant la Seconde Guerre mondiale fait encore couler beaucoup d’encre. Car si l’artiste fut une des premières recrues de Boris Vildé, les choix qu’il opère parallèlement rendent les choses plus confuses encore, d’autant que l’on sait à présent que Creston fut durant ses jeunes années un fervent anarchiste. Il suit ainsi les conférences de Han Ryner dans les années 1920, apporte sa contribution à des journaux comme Les crucifiés, périodique anarchiste. Dans les années 1930, tout en entretenant des relations avec Breiz Atao, organe autonomiste breton pour lequel il rédige une dizaine d’articles de 1927 à 1933, il se lie d’amitié avec Marcel Cachin et s’inscrit à la 14e cellule du Parti communiste de Paris. Parallèlement, il est engagé auprès de la ligue des Bretons émancipés de la région parisienne. Membre à part entière du groupe de Résistance du Musée de l’homme, il prend part aux activités de l’Institut celtique de Bretagne, institution qu’il contribue à créer en octobre 1941 et dont il démissionne le 16 décembre 1943. De même, entre septembre 1941 et août 1942, trois de ses dessins apparaissent dans L’heure bretonne, journal du parti nationaliste breton. Il réalise huit émissions pour Radio-Rennes, décrochage régional de Radio-Paris. Ayant des connexions avec les membres du milieu autonomiste breton, les propos qu’il tient dans la sphère familiale à leur égard est tout autre.

Au sortir de la guerre, il écrira dans son journal : « Mes camarades savent ce que j’ai fait ; je sais ce que j’ai fait. Cela me suffit. […] Lorsque nous nous battions en 1940, nous n’avions, nous, ni armes, ni argent…ni brassards ni drapeaux non plus. C’est sans amertume que j’entends aujourd’hui les cancanages sur mon compte. Je connais les hommes et leurs petites lâchetés ».

Arrêté le 11 février 1941, soupçonné d’appartenir à la Résistance,  il est interrogé au bout de 4 mois d’internement, le 12 juin de la même année, au poste de la Geheime Feldpolizei, la police de sûreté allemande. Il finit par être libéré faute de preuves, tout comme Albert Jubineau et Marie-Louis Joubier, sur l’intervention de Roparz Hemon, directeur des émissions en langue bretonne à Radio-Rennes-Bretagne et nommé à ce poste par les Allemands. Au cours de cette journée du 12 juin 1941, on lui présente les plans de Saint-Nazaire qu’il avait fournis à Londres et qui serviront plus tard dans l’opération Chariot. Bibliothécaire au Musée de l’homme et elle-même résistante, Yvonne Oddon expliquera plus tard que Creston « ne dut son salut qu’à la discrétion de ses camarades, et au fait que le provocateur ignorait son nom ». En 1946, Creston obtient un certificat pour services rendus aux alliés signé du maréchal Montgomery pour son rôle dans l’opération Chariot ainsi que son attestation d’appartenance aux Forces françaises combattantes comme agent P2.

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Auteur : Saphyr Creston, « Choix politiques », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 23/07/2019.

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