Ar Seiz Breur
Au début de la décennie 1920, Creston et sa femme Suzanne font connaissance de Jeanne Malivel. Cette rencontre déterminante potentialise ces univers artistiques en gestation par la fondation du groupe Ar Seiz Breur. Le meuble, la faïence, la gravure sur bois sont autant de domaines dans lesquels Creston apporte sa contribution. Les créations fusent, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 vient concrétiser les projets ambitieux du groupe. Les premières créations des Seiz Breur peuvent s’apparenter à ce moment-là à d’autres groupes européens d’arts décoratifs les ayant précédés : Arts and Crafts et Celtic Revival en Grande-Bretagne et en Irlande, école de Zakopane en Pologne, Bauhaus en Allemagne.
À la mort de Jeanne Malivel en 1926, René-Yves Creston devient chef de file du mouvement. Ses créations nombreuses dans des domaines comme la gravure, le meuble, les bijoux, la faïence, la peinture s’accompagnent de l’écriture de nombreux articles dans plusieurs revues telles que Le Miroir du monde, Le Petit Parisien ou Le Travailleur de l’Ouest. Il se transforme en organisateur hors pair dans la mise en place d’expositions et s’intéresse aux questions de type ethnographique (lors du 26e salon des artistes décorateurs au cours duquel il présente aux côtés de Joseph Savina un projet d’atelier de potiers de Brière, ou à l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne en 1937, pendant laquelle il propose un diaporama de l’économie régionale avec Pierre Péron et Germaine Jouan).
Vers l’ethnographie
La période des années 1930 marque celle du changement et des projets plus personnels. À la faveur de deux voyages à bord d’un chalutier de Fécamp en 1930 et du Pourquoi-Pas ?, célèbre navire du commandant Jean-Baptiste Charcot en 1933, il découvre de nouvelles perspectives tant géographiques qu’intellectuelles. Dès lors, l’ethnologie prend une place conséquente dans sa réflexion. La rencontre avec Germaine Jouan en 1936 s’avère capitale puisqu’ils vont œuvrer ensemble à de nombreux projets autour de l’ethnologie bretonne. Ils s’inscrivent tous deux aux cours de l’Institut d’ethnologie de Paris. L’engouement de Creston pour cette discipline et son certificat d’études supérieures en poche en juin 1939 vont lui ouvrir les portes du Musée de l’Homme.
Devenu chargé de mission pour le musée, il s’occupe principalement de la section Europe des collections. La même année, il organise un voyage aux Féroé pour y étudier les techniques de chasse et de pêche, les coutumes, chants, danses, etc. Pendant l’Occupation, il rejoint le réseau du Musée de l’Homme par l’intermédiaire de Boris Vildé et Anatole Lewitsky, et n’hésite pas à mettre en relation le groupe avec celui de son ami Albert Jubineau, du barreau de Paris. Arrêté le 11 février 1941, emprisonné à la prison du Cherche-Midi puis celle à de Fresnes, il est relâché le 12 juin. Assigné à résidence à Janzé, il participe à la création de l’Institut celtique de Bretagne.
La carrière ethnographique de Creston prend forme. N’abandonnant pas pour autant sa carrière artistique, il réalise des œuvres très variées durant cette période : les peintures intimistes côtoient les grands décors inspirés du monde celtique.
L’après-guerre
À partir de 1945, les projets artistiques se font moins nombreux. Creston se consacre davantage à l’ethnographie et à la muséographie. Il se fait remarquer à plusieurs reprises à travers des illustrations d’ouvrages, journaux, revues, mais également des décors comme celui d’une cabine du paquebot France, les vitraux de l’église de Saint-Nazaire, un cairn à Saint-Servan en hommage au commandant Charcot, etc. Mais c’est surtout sur l’ethnologie, abordée avant-guerre, qu’il va se concentrer en Bretagne avec l’association Ar Falz, et à travers des terrains au Cap Sizun, sur l’île de Batz…. ainsi qu’à travers l’Europe (pêche à l’espadon en Sicile, costumes traditionnels en Sardaigne, congrès international d’ethnographie maritime au Portugal). On lui doit notamment une étude approfondie sur le costume breton accompagnée de 350 planches couleur et de travaux sur l’histoire des coiffes.
Enfin, depuis son intégration au musée de l’Homme, il n’a de cesse que de s’interroger sur la place des collections ethnographiques dans les musées. Grâce à l’appui de son ami Georges-Henri Rivière, les projets dans les musées de la région et dans celui des Arts et traditions populaires sont concrétisés par la participation de Creston à la constitution ou au maintien des collections (musée de Bretagne à Rennes, musée départemental breton de Quimper, musée d’art et d’histoire de la ville de Saint-Brieuc). C’est à travers sa nomination au poste de conservateur du musée de Saint-Brieuc qu’il met en œuvre toute son imagination et ses connaissances à la réalisation de trois expositions importantes : « Mathurin Méheut » en 1961, « Les coiffes bretonnes du XXIe siècle dans la vie et dans l’art » en 1963, « Quatre siècles de mobilier breton en 1964 » : il clôt ainsi une riche carrière dans le domaine de la muséographie et s’éteint le 30 mai 1964 à Étables-sur-mer.