De Rennes à Alger : le parcours détonnant d’un trotskiste breton

Auteur : Hugo Melchior / janvier 2022

Né à Corlay (22) en 1939, Jean-Yves Le Goff, après avoir été lui-même instituteur comme ses deux parents, bifurqua en s’inscrivant à la Faculté de lettres à la rentrée 1960 à Rennes. Il eut des contacts avec des militants, soutenant le Front de libération nationale (FLN) et la revendication d’indépendance de l’Algérie, et regroupés au sein du mouvement « Jeune résistance ».
Bien qu’il eût adhéré en 1959 au PSU à Rennes, il s’intéressa à la Quatrième Internationale et à sa section française, le PCI. Il finit par rencontrer à Rennes un de ses principaux membres, alors animateur de la tendance « Socialiste révolutionnaire » du PSU : le « vieux » Michel Lequenne qui y menait un « travail de fraction ».
À l’été 1963, en tant que jeune coopérant, Jean-Yves Le Goff débarqua à Alger, devenue la capitale d’une Algérie indépendante. Il participa avec d’autres militants trotskistes à l’aventure collective de ceux qu’on appellera « les pieds-rouges ».
Venu pour donner « un coup de main » à la reconstruction du pays et voir à quoi pouvait ressembler cette « voie algérienne particulière vers le socialisme », il travailla au ministère de l’Économie au service de l’aménagement du territoire. Le 23 février 1965, il fut présenté au « Che » à l’ambassade cubaine et échangea avec celui qui le félicita pour sa présence en Algérie en tant que coopérant.
Son expérience algérienne se prolongea jusqu’au coup d’État militaire de Houari Boumédiène, le 19 juin 1965, à la suite duquel Jean-Yves Le Goff fut arrêté pour avoir caché un militant du FLN recherché par les nouvelles autorités. Il fut torturé avec son camarade Albert Roux par la sécurité militaire algérienne, avant d’être expulsé du pays en septembre 1965.
De retour à Rennes, après avoir achevé son service militaire, il y demeurait le seul militant du PCI. Présent lors de la réunion constitutive de la JCR le 2 avril 1966, il fut à l’origine de la création de la JCR à Rennes au printemps 1966, tandis qu’il devint membre de son conseil national. Puis il s’investit pleinement au sein de la section rennaise de la LC à partir d’avril 1969.
Assumant dans les années 1970, à l’instar de ses camarades, un engagement chronophage et démultiplié (deuxième vague du féminisme, antimilitarisme, internationalisme concret, soutien politique et matériel aux luttes ouvrières, antifascisme…), tout en exerçant une activité rémunérée la nuit à Ouest-France, il quitta Rennes à l’été 1975, tandis que la section traversait une crise militante avec le départ d’une dizaine de ses membres.
Après avoir déménagé dans la banlieue de Rouen, puis vécu quelque temps à Brest sans ré-adhérer à la LCR, il s’installa à Nantes en septembre 1980. Il se remit à militer au sein de l’organisation trotskiste avec notamment le syndicaliste cheminot Éric Thouzeau, et participa pendant des années à la direction du parti à Nantes.
Alors qu’il était demeuré fidèle à la LCR lorsque celle-ci ne comptait plus que 7 militants à Nantes à la fin des années 1980, il finit par la quitter en 2003 dans la foulée de la campagne autour de la première candidature à l’élection présidentielle du jeune facteur Olivier Besancenot, sans jamais renoncer à ses convictions de jeunesse.

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Auteur : Hugo Melchior, « De Rennes à Alger : le parcours détonnant d’un trotskiste breton », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 10/01/2022.

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