C’est à la faveur de Charles Danielou que Jean Moulin est nommé sous-préfet de Châteaulin. Mais la relation entre les deux hommes dépasse très rapidement le strict cadre professionnel et politique pour évoluer vers une sincère amitié. Il faut dire que tous deux partagent le goût des arts et c’est ainsi chez Charles Danielou, qui fut un poète proche du Parnasse dans sa jeunesse, avant d’entrer en politique, que Jean Moulin fait la connaissance de Max Jacob.
Le fonctionnaire est un ami des arts et des artistes, qu’il aime à fréquenter. Sa complicité avec le poète Saint-Pol Roux, un artiste considéré comme un des principaux inspirateurs des surréalistes, est réelle. Il faut dire que les deux hommes ont en commun, outre le goût des lettres, l’amour du provençal. C’est d’ailleurs dans cette langue que les deux hommes échangent lorsqu’ils se retrouvent. Jean Moulin est en effet un habitué du manoir de Coecilian, vaste propriété située non loin de Camaret.
Le sous-préfet ne dédaigne pas croquer ses contemporains et signe, sous le pseudonyme de Romanin, un certain nombre de caricatures qui témoignent de l’observateur avisé qu’il est aussi. Bon dessinateur, il publie régulièrement ses esquisses et expose même, en 1931, au Salon des humoristes. A cette occasion, il apparaît en première page du grand quotidien rennais L’Ouest-Eclair : gageons que rares sont les lecteurs à avoir deviné qui se cachait derrière l’énigmatique nom de Romanin… Mais la grande œuvre de Jean Moulin est assurément cette édition d’Armor, recueil du poète Tristan Corbière qu’il découvre à Châteaulin et qu’il illustre lui-même avec huit eaux fortes. Ces œuvres révèlent un esprit sombre et tourmenté, à des années lumières de l’image du Résistant déterminé qu’on a de Rex…