La clique de binious du 73e RIT de Guingamp en 1915

Autrice : Marie-Barbara Le Gonidec / mai 2023

Le 3 juillet 1915, L’Illustration publie la photo de deux poilus du 73e régiment d’infanterie territoriale de Guingamp (RIT) jouant du biniou et de la bombarde. Avec d’autres soldats basés sur le front de l’Yser (Belgique), les hommes du 73e RIT ont été victimes, en avril 1915, de la première attaque aux gaz de combat. Pour remonter le moral des troupes, leur commandant, Aymar de Quengo de Tonquédec, animé, comme le suggère le journaliste de L’Illustration, d’un « profond sentiment breton », a fait adjoindre à ses tambours et à ses clairons « les deux instruments favoris de la vieille Armorique ». De Tonquédec n’ignore pas que le 48e RIT de Guingamp a possédé, de 1900 à 1905, une clique de 12 sonneurs qui n’a tenu que 5 ans. De plus, présent sur le front belge dès l’automne 1914, il côtoie les unités alliées, dont la première division canadienne qui comprend des régiments composés d’Écossais ayant un pipe band, formation réglementaire dans l’armée britannique depuis les années 1850. En France, si les régiments d’active ont aussi une « musique » dirigée par un chef de musique diplômé, les régiments de réserve et territoriaux n’ont droit qu’à une « clique » de clairons et tambours, dirigés par un tambour-major. C’est avec celui du 73e, l’adjudant Jules Glaizot, qu’Aymar de Tonquédec décide de monter cette clique bretonne. Si le commandement de l’armée a toléré l’initiative de l’un des siens, elle n’a bien sûr pas fourni les instruments ; aussi, pour acquérir bombardes et binious, le lieutenant-colonel a-t-il fait appel à ses proches étant, comme lui, dans le milieu militaire et faisant partie de la noblesse bretonne. En juin 1915, la clique est opérationnelle. Aymar de Tonquédec quitte son régiment en février 1916, mais ses hommes continuent à jouer, au moins jusqu’en avril 1917, date du dernier témoignage de cette clique qui ne passe pas inaperçue !

Si d’autres régiments composés de soldats bretons ont eu des binious, ceux-ci s’en sont tenus à un rôle récréatif. Le 73e RIT de Guingamp a été le seul où binious et bombardes ont joué officiellement lors de prises d’armes et autres événements officiels de la vie militaire. Après l’armistice, les instruments ont été conservés par le dernier commandant du 73e RIT, Moreau de Bellaing, chez lui à Guingamp, avant qu’il ne les offre, en 1952, au Musée national des arts et traditions populaires à Paris qui les a exposés, de 1972 jusqu’à sa fermeture en 2005. Ils sont aujourd’hui conservés au Mucem à Marseille.

L’un des binious donnés par Moreau de Bellaing au musée national des Arts et Traditions populaires, num. d’inventaire : 1952.110.2.2. Ph. P. Sicard. Source : © Mucem

L’une des bombardes données par Moreau de Bellaing au musée national des Arts et Traditions populaires, num. d’inventaire : 1952.110.5.4. Ph. P. Sicard. Source : © Mucem

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Autrice : Marie-Barbara Le Gonidec, « La clique de binious du 73e RIT de Guingamp en 1915 », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 9/05/2023.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/la-clique-de-binious-du-73e-rit-de-guingamp-en-1915

BIBLIOGRAPHIE

  • Bigot Laurent, Kermarc Gilles, Le Gonidec, Marie-Barbara, « Les binious de la Grande Guerre », I, Musique Bretonne, 2015, n° 244, p. 25-40.
  • Le Gonidec Marie-Barbara, Rio Jean-Yves, « Les binious de la Grande Guerre », II, Musique Bretonne, 2015, n° 245, p. 26-31.

Proposé par : Bretagne Culture Diversité