Quand les journalistes consacrent des articles sur les visites des ruines de Mai 68 – relevés uniquement durant le mois de mai –, ils ne développent que le cas parisien, et plus particulièrement le cas du Quartier latin où sont concentrées la majorité des barricades. C’est le Mai 68 spectaculaire, qui va inonder les ondes radiophoniques et télévisuelles, et les pages des journaux. Les Parisiens et les banlieusards viennent en pèlerinage revivre les instants racontés dans les médias. Un journaliste de Paris-jour, dans son article du 13 mai, évoque « des familles entières [qui] ont parcouru lentement le quartier des barricades, regardant tantôt admiratifs, tantôt réprobateurs, les chaussées dépavées, jonchées de débris de verre, parsemées de carcasses calcinées de voitures ». Les journalistes de France-Soir photographient des badauds qui, appareil autour du cou, mitraillent les lieux où combattaient étudiants et forces de l’ordre la nuit précédente.
En Bretagne, on ne retrouve pas le même phénomène de foire. Le mouvement de Mai 68 n’y a pas donné lieu à de grandes barricades, et les blocages par les agriculteurs, à grand renfort de pommes de terre et de choux-fleurs, en particulier dans les Côtes-du-Nord, n’ont pas la même portée. Il n’empêche : les dégâts occasionnés par les insurgés provoquent la curiosité. Les photographies prises par le sous-brigadier Compan, en complément de son rapport du 29 mai sur les dégâts à la préfecture de Nantes, montrent les curieux massés devant les façades des bâtiments endommagés. Contrairement aux touristes des barricades, ils ne peuvent toutefois pas réellement accéder aux lieux dévastés. Faute de sites ouverts au public, le dark tourism, ou tourisme sombre, qui s’organise autour de lieux associés à la mort, à la guerre ou à des catastrophes, ne peut donc pas réellement se développer.