Le phoque gris mâle adulte pèse de 170 à 310 kg et mesure de 2,50 à 3,30 m. La femelle ne dépasse pas 190 kg et 2m. Le pelage présente de remarquables nuances de gris formant des taches dont la disposition individualise chaque individu, ce qui permet grâce à des photographies d’assurer des suivis extrêmement précis. La reconnaissance faciale n’est pas réservée aux humains ! Grâce à des balises Argos, il est aussi possible de suivre les déplacements de certains individus et d’en savoir beaucoup plus sur leur biologie : à la suite de campagnes menées par Océanopolis, l’ONCFS et l’université de La Rochelle de 1997 à 2002, on sait que la traversée de la Manche est un jeu d’enfant pour les phoques gris du pays de Galles et, dans le sens inverse, les phoques de l’archipel de Molène vont sans difficulté faire un tour en Cornouailles ou en Irlande. On en sait plus sur leurs plongées et leurs siestes en observant ceux qui transitent dans des centres de soins ou qui vivent en captivité : la nuit, ils s’installent au sec sur une plateforme alors que le jour, ils dorment en immersion. Comme branchés sur pilote automatique, ils restent pendant cinq à six minutes plus ou moins bloqués sous un rocher ou accrochés à une laminaire qu’ils coincent sous la patte puis ils se laissent remonter pour respirer. Mais on se tromperait en imaginant qu’ils gonflent alors leurs poumons comme de vulgaires bouteilles à oxygène. En fait, c’est en diminuant le volume d’air qu’ils contrôlent l’immersion. Enfin, l’autopsie des phoques morts a permis d’établir précisément leur régime alimentaire : les phoques bretons se nourrissent essentiellement de poissons côtiers (mulets, carrelets, vieilles), de céphalopodes et, parfois, d’oiseaux de mer.
Sevrage précoce
C’est alors que les nuages les plus noirs s’étendent sur la pointe de Bretagne que les mamans phoques accouchent de bébés tout blancs. C’est, en effet, de novembre à janvier que naissent les petits phoques gris. Leurs mères s’installent sur des îlots rocheux où elles allaiteront trois semaines leur gros blanchon qui finira par muer et se jeter à l’eau, victime d’un sevrage plutôt brutal. Il ne faut donc pas s’étonner si l’on trouve un certain nombre de petits abandonnés sur l’estran par les tempêtes de l’hiver. Depuis la création d’Océanopolis à Brest en 1990, ils sont pris en charge par une équipe spécialisée, qui les soigne et tente de leur faire reprendre la graisse indispensable sans pour autant les habituer à l’homme. Il faudra en effet qu’ils retournent à la vie sauvage. Ce sont désormais une vingtaine de jeunes phoques qui sont pris en charge chaque année.
Une présence ancienne et régulière
La mention de « loups-marins » du côté des Glénan au XVIIIe siècle, le dessin de quelques phoques en baie de Douarnenez par le peintre Eugène Gridel en 1862, laissent penser que les côtes bretonnes sont fréquentées de longue date par le phoque gris. C’est ce que confirment quelques toponymes tels que Plasen ar Reuniged, au sud-ouest de l’île Béniguet. L’étude de la presse locale et la collecte de témoignages montrent que dans la première moitié du XXe siècle, un phoque gris est signalé en moyenne tous les ans sur le littoral breton et, en particulier, autour des îles de Molène et d’Ouessant. Dans la majorité des cas, ils sont tués et souvent commercialisés, l’un d’eux, capturé dans la Penzé, près de Carantec, finissant même ses jours dans un petit cirque.
Une belle croissance démographique
Dès 1961, un arrêté instaure la protection de l’espèce, ce que confirme la loi une douzaine d’années plus tard. Dans les années 1970, la présence permanente d’un petit groupe de phoques gris est confirmée dans l’archipel de Molène, où les naturalistes commencent à être plus présents que les goémoniers… Une première preuve de reproduction est apportée en 1973. Une seconde colonie permanente se forme dans l’archipel des Sept-Îles (22) et commence à s’y reproduire en 1986.
Les agents du parc marin d’Iroise profitent de la marée basse quand les coefficients sont supérieurs à 80 pour compter les phoques qui occupent alors leurs reposoirs. Pas moins de 235 phoques ont pu être comptés en 2023, dont 90 % étaient regroupés sur l’île de Morgol (il y en avait 392 en 2021, mais le taux de croissance reste bon). Le mauvais temps de l’hiver ne facilite pas le travail et le chiffre de 24 naissances est probablement sous-évalué. La réserve naturelle de Sept-Îles est, depuis plusieurs années, le premier site de naissances pour le phoque gris en France métropolitaine, les salariés de la Ligue de protection des oiseaux comptent une cinquantaine de naissances chaque année. La présence d’adultes est fluctuante, mais 203 ont pu être comptés en 2019 pour une moyenne habituelle d’une centaine.
Au début des années 2020, la présence de groupes de plus en plus étoffés est notée dans plusieurs sites, en particulier en baie du mont Saint-Michel (une quinzaine), en baie de Morlaix (où 24 individus, surtout des femelles adultes, sont bien identifiés par les bénévoles et les salariés de Bretagne Vivante), Portsall (une quinzaine), dans la chaussée de Sein (environ 70) et sur la côte sud du Finistère (une douzaine sur les Étocs de Penmarc’h, un ou deux à la pointe de Mousterlin et une quarantaine aux Glénan, où Bretagne Vivante et l’Office français de la biodiversité assurent les suivis). Force est de constater que, cinquante ans après avoir donné une première preuve de reproduction, la population de phoques gris de Bretagne met en évidence l’efficacité d’une protection active.