La fréquence des suicides et des tentatives de suicide en Bretagne ne cesse d’interpeller les professionnels de santé et les pouvoirs publics, qui ont fait de la prévention et de la prise en charge des conduites suicidaires une priorité de santé depuis les années 1990. Avec quelque 850 décès par an dans les années 2010 et un taux de mortalité de 25 pour 100 000 habitants, la région est en effet celle où l’on se suicide le plus. Ceux qui se donnent la mort sont, pour les deux tiers, des hommes, plutôt dans la force de l’âge (40 % des décès entre 35 et 54 ans en 2012).
La sursuicidité bretonne est récente. En 1850, le suicide était un acte rare (moins de 120 cas dans l’année), amplement réprouvé : l’Église ne transigeait pas avec les suicidés, auxquels elle refusait toute sépulture religieuse. Par la suite, le taux de suicide n’a cessé d’augmenter : il double entre 1910 (15 suicides pour 100 000 habitants) et le début des années 1990. Surtout, le rapport à la moyenne nationale s’inverse : moindre de 20 % en 1936, il lui est supérieur de 70 % soixante ans plus tard.
S’il est difficile d’expliquer cette évolution, tant les raisons d’un tel geste peuvent être complexes, on ne peut manquer de la mettre en relation avec les transformations socioéconomiques (changement de modèle agricole, désertification et vieillissement à l’intérieur des terres) et culturelles (pratique religieuse, langue bretonne) qu’a connues la région, et les pertes de repères et de liens qu’elles ont pu engendrer. Hier davantage urbain (Brest concentrait le quart des suicides finistériens en 1907), le suicide est devenu un phénomène plutôt rural qui concerne tout particulièrement le Centre-Bretagne et l’Ouest costarmoricain.