Un incendie révélateur
Accessibles à la compréhension du promeneur, de nombreux mégalithes parsèment les landes. Reprenant les inventaires de Joseph Mahé (1825), François-Marie Cayot Délandre (1848) et Louis Rosenzweig (1863) signalent la présence de menhirs et blocs épars dans la végétation.
Dans les années 1980, un incendie survenu dans ce maigre espace boisé dégageait quelques monolithes du couvert végétal. Cet événement déclenchait une campagne de prospection sur l’ensemble de ce territoire. Aidé par le maire de l’époque, Joseph Orhan, passionné d’histoire et d’archéologie, le groupe de prospecteurs recensait une dizaine de sites mégalithiques ainsi que de nombreuses traces d’occupation gallo-romaine et médiévale. La plupart de ces vestiges, ayant eu à souffrir du temps, des remembrements ponctuels ou des activités de carriers, gardent malgré ces agressions les restes de structures parfaitement interprétables.
Les Pierres droites
L’ensemble le plus imposant est assurément celui des Pierres droites. Ce groupe de menhirs, dont la plupart gisent sur le sol, est situé à 1,9 km du bourg de Monteneuf. Le gigantisme des masses mises en œuvre, la complexité de leur organisation ainsi que leur nombre retiennent l’attention du visiteur. La pauvreté des sols de la lande ayant écarté toute tentative d’activité agraire, ce site pouvait receler de possibles informations utiles à la compréhension des champs de menhirs. C’est donc une suite de neuf campagnes de fouilles programmées qui débutèrent à partir de 1998.
Aménagé sur le versant sud d’un plateau schisteux, le site des Pierres droites est accompagné d’une série d’allées couvertes et de quelques autres menhirs plantés à sa périphérie.
Des allées couvertes
L’allée couverte des Bordouées se remarque par la présence d’une douzaine de piliers plantés dans un tertre résiduel. Une seule dalle de couverture est encore en place.
Près du lieu-dit le Clos Boschet, une douzaine de dalles enchevêtrées rappellent l’existence d’une grande allée couverte connue sous le nom de « la Pièce couverte ». L’ensemble ayant été bousculé par l’ouverture d’une carrière, seuls trois piliers semblent avoir gardé leur place d’origine. Naturelles ou creusées par la main de l’homme, de nombreuses cupules sont visibles sur deux des dalles de schiste.
En s’aventurant dans la Lande rousse, on ne peut manquer les restes de la Loge Morinais. Il s’agit d’une imposante allée couverte dont les vingt-sept dalles restantes laissent imaginer la taille de cet imposant monument. Quatorze des dalles encore en position permettent de voir une longue sépulture orientée est/ouest avec son entrée située à l’est. Au dos de la dalle de chevet de l’espace funéraire, une cella (cabinet ouvert) reste parfaitement identifiée.
Monument funéraire
Les fouilles de l’allée couverte des Bordouées ont permis de mettre en évidence une structure funéraire du Néolithique moyen. Cette petite sépulture collective est constituée d’une chambre sépulcrale de 8 m de longueur pour une largeur de 1,50 m. L’accès à la chambre est marqué d’un passage rétréci par une dalle plantée perpendiculairement. Sa fermeture pouvait être assurée par un opercule ou bien un petit muret de pierre. L’intérieur du monument ayant été visité de façon intempestive, il n’a gardé qu’une partie de son dallage d’origine. Celui-ci est constitué de petites plaques de schiste. L’ensemble est tenu par un tertre résiduel. Une seule des dalles de couverture est encore à sa place. Comme beaucoup d’autres, cette architecture mégalithique a eu à souffrir des prélèvements et des chercheurs d’objets. Le matériel exhumé lors de l’intervention archéologique est constitué de cinq haches en pierre polie (dolérite et silex), de cinq pendeloques de colliers en quartzite. Plusieurs lames brisées de silex accompagnaient des tessons de céramiques de formes diverses.
Quatre cents monolithes en quatre lignes
La fouille des Pierres droites a montré l’étendue de cet ensemble de pierres levées qui se développe sur une surface dépassant les six hectares. Quatre cent masses de pierres déconnectées du substratum et donc susceptibles d’avoir été plantées ont été répertoriées. Cet ensemble, dont l’axe principal s’oriente d’est en ouest, suit la ligne d’affleurement géologique de schiste pourpre. Les blocs mis en œuvre varient autant par leur forme que par leur volume. Certains atteignent des masses et des hauteurs impressionnantes. L’un d’entre eux, brisé en trois, pouvait culminer à plus de 7 m de hauteur. Les quatre lignes présentes dans l’espace concerné par l’étude archéologique ont mis en évidence des évolutions dans l’organisation des monolithes. La ligne principalement étudiée est constituée d’une vingtaine de menhirs. Certains paraissent avoir été dressés dans une sorte de surélévation de terre bloquée de part et d’autre par une série de petites dalles plantées sur champ.
L’art de déplacer les menhirs
Dans la partie est de ce secteur, un menhir abandonné en cours de débitage du substrat attire l’attention. L’étude de cette zone d’extraction a permis de constater la présence de tout un système de manutention de ces lourds mégalithes. Au pied du bloc en cours d’extraction, de puissants piliers de schiste devaient supporter un plan incliné apte à recevoir le bloc détaché. De là part un chemin damé où apparaissent les restes de rails en bois équarri. Cette technique de manutention sur rails de bois a été retrouvée à plusieurs emplacements proches des calages de menhirs.
Deux mille ans d’occupation
Si le matériel sorti des couches archéologiques se limite à quelques percuteurs en grès et tessons de poteries diverses, on doit signaler la présence d’une hache à talon de l’âge du bronze.
Les datations au radiocarbone obtenues lors de l’étude montrent une durée d’occupation et de construction de ce vaste ensemble étalé sur près de 2 000 ans. Les dates les plus anciennes signalent le levage des premières pierres vers 4 300 ans avant J.-C., alors que les plus récentes montrent des menhirs dressés vers 2 500 ans avant J.-C.
La richesse du patrimoine mégalithique de ce secteur révèle ici l’importance accordée par les cultures néolithiques à ce lieu. Elle permet d’approcher les critères qui orientaient le choix et la fonction des espaces d’un territoire néolithique . Celui de Monteneuf apparaît comme déterminant pour la compréhension du mode de fonctionnement de ces communautés.