Les « sciences de la mer » demeurent difficiles à définir précisément. L’expression elle-même, et ce qu’elle recouvre, est l’objet de discussions de la part de chercheurs et experts du domaine sur au moins deux points.
Le premier concerne la « légitimité scientifique » du terme : existe-t-il des sciences « de la mer » ? Selon une certaine vision, il n’existe pas de sciences d’objets : une science se caractérise par la nature et l’originalité de la démarche. Ce postulat se vérifie par exemple dans la classification d’Auguste Comte en 1830 (mathématiques, physique, biologie, etc.) ou plus récemment en 2002 dans le Manuel de Frascati. En ce sens, il n’existe pas d’océanographe au sens strict. Il est nécessaire d’être d’abord physicien, biologiste, chimiste, géoscientiste, économiste, juriste, géographe et ensuite ces démarches sont appliquées à un objet : la mer. Cependant, ce raisonnement ne permet pas d’expliquer l’existence de « college of oceanography », de « college of marine sciences » ou d’instituts spécialisés précisément dans un même type et profil de sciences organisés de manière spécifique autour de cet objet « mer ». L’une des raisons de l’existence de ces instituts tient aux moyens indispensables pour étudier l’objet « mer », les navires notamment, qui sont originaux et spécifiques. Le CNER (Comité national d’évaluation de la recherche en France, devenu l’Hcéres – Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) a, en son temps, proposé au sujet de l’océanographie cette approche consensuelle : « Ce n’est donc pas une science au sens habituel du terme, mais plutôt l’approche scientifique d’un milieu que l’homme peut difficilement pénétrer. » Aujourd’hui, l’expression – et ce qu’elle recouvre – de « sciences de la mer » est plus nettement acceptée dans le milieu scientifique. l’Hcéres, par exemple, a publié des rapports et évaluations sur ce champ scientifique en tant que tel. La demande croissante des tutelles d’une plus grande pluridisciplinarité et interdisciplinarité dans les travaux de recherches globalement a joué en cela un rôle : par nature, les sciences de la mer sont pluridisciplinaires, et ont dès l’origine dû répondre à des questions de société exigeant une approche décloisonnée, comme par exemple l’étude des influences des activités humaines sur l’environnement.
Le second point de débat porte sur les frontières, les contours précis à donner à ces «sciences de la mer» : à la fois contours thématiques, concernant les disciplines de recherche à inclure ou non, et contours au regard du degré « d’applicabilité » des recherches menées. Deux visions à nouveau coexistent : une vision plus strictement académique, fondamentale de la recherche, qui inclut surtout les disciplines des sciences dites « dures » appliquées à la mer et aux espaces littoraux (physique, chimie, biologie, économie, droit, etc.) ; et une vision plus large, plus englobante, considérant l’ensemble des « sciences et techniques de la mer » et incluant des champs ou des travaux plus appliqués, par exemple aux domaines des ressources (vivantes ou non : biotechnologies, pêche, aquaculture, offshore et énergies marines…) ou encore de « l’interface physique » entre l’homme et la mer (constructions navales et côtières, aménagements, sécurité maritime, Technologies de l’Information et de la Communication…). À ce sujet, les travaux initiés par l’Agence d’urbanisme de Brest-Bretagne sont éclairants. Une nouvelle approche de l’économie maritime est proposée : la notion de « halo » y est développée, permettant de distinguer des activités formant le « cœur » de l’économie maritime (pêche, aquaculture, construction navale, manutention portuaire…) d’autres activités, partiellement « maritimisées » (gestion, informatique, recherche, ingénierie, enseignement supérieur…). Une telle approche par le « halo » peut être appliquée aux sciences et techniques de la mer.