Pour la grande majorité d’entre elles, les traditions qui continuent de circuler en Bretagne à propos du Temple ne sont pas médiévales. Quelques-unes sont attestées dès le XVIIe siècle, et Dubuisson-Aubenay, qui accomplit en 1636 un voyage dans le duché, en a rapporté deux, pour Dinan et Vannes. C’est au XIXe siècle, toutefois, que la plupart sont nées. Les Templiers ont été alors assimilés à des figures maléfiques. Ce sont ces fameux « moines rouges », sur lesquels on a tant écrit en Bretagne.
Aucun récit n’égale par son intensité la ballade que Théodore Hersart de La Villemarqué, dans le Barzaz Breiz, dit avoir recueilli dans la paroisse de Nizon de la bouche d’une mendiante : contant la fin tragique de Katellig Moal, abusée par trois frères de l’ordre et miraculeusement vengée par l’enfant né de son viol, la gwerz des « Trois Moines rouges » (An tri manac’h ruz) renverrait à un épisode situé, au tournant des XIIIe et XIVe siècles, sous l’épiscopat quimpérois d’Alain Morel. De pareils récits ne sont pas propres à la Basse-Bretagne et d’autres ont circulé en pays gallo, tel celui qu’a publié Louis-Christian Gautier, sur la foi d’une collecte réalisée à La Guerche par Michel Lascaux en 1974, mettant en scène, lui aussi, des Templiers criminels, idolâtres et promis aux tourments de l’enfer. Contrairement à ce que l’on croit parfois, toutes les légendes sur le Temple en Bretagne ne sont pas négatives. À la charnière des XIXe et XXe siècles, Amédée Guillotin de Corson l’avait déjà perçu, rapportant un récit favorable, ancré à Montbran, où le maître du Temple, en personne, intervenait au secours d’un voleur repentant qui lui avait sauvé la vie. Effroyable ou, à l’inverse, propice, la tradition attribue aux Templiers en Bretagne une puissance qui tient de l’exceptionnel et qui fait qu’on continue, un peu partout, de les évoquer aujourd’hui encore.