L'Union européenne dans la mondialisation
À l’origine de la mondialisation
Avec ses 28 pays (27 sans le Royaume-Uni), l’Union européenne est en termes de PIB la première puissance économique mondiale. Avec 508 millions d’habitants, elle est aussi au 3e rang mondial derrière la Chine et l’Inde. Surtout, c’est de l’Europe et du « vieux continent » qu’est né le processus de mondialisation. Dès le xvie siècle, le peuplement des « pays neufs » (États-Unis, Australie, etc.) a été, de manière directe (émigration) ou indirecte (la « Traite » des noirs et l’esclavagisme), organisé pour l’essentiel par les Européens. À partir du xixe siècle, « l’invention de la vitesse » (C. Studény) et de nouveaux moyens de transports lui permettent de renforcer puissamment son rôle, que ce soit par la conquête coloniale, l’organisation du négoce international ou la construction de grandes infrastructures de transport (le Canal de Suez par exemple). De manière symbolique, pour coordonner les échanges, une heure planétaire est créée en 1911 et passe par le méridien de Greenwich en Angleterre. L’Europe a été le fer de lance de la mondialisation, jusqu’à générer des guerres qualifiées de « mondiales ». Mais bien que l’Union européenne soit aujourd’hui un des « piliers » de l’économie-monde, elle peut être entraînée dans des processus qu’elle ne maîtrise pas toujours.
Puissance économique mais faiblesse politique ?
L’Union européenne, première puissance mondiale, joue donc un rôle considérable au plan économique et financier. Elle est une zone de production et surtout de consommation majeure, dispose de places boursières jouant un rôle essentiel (Londres, Paris, Francfort, Milan), et demeure un espace incontournable pour le commerce maritime international avec la présence de grands ports localisés notamment sur la Northern Range (Rotterdam). Son rôle géopolitique est aussi essentiel, quoique plus ambigu depuis l’échec du lancement de la Commission européenne de défense en 1954. On constate que 22 des 28 pays de l’Union sont membres de l’OTAN et entretiennent parfois des liens très étroits avec les États-Unis (notamment le Royaume-Uni). Mais l’Europe négocie aussi des accords bilatéraux avec la Russie ou la Chine. Dans l’ensemble, certains nous disent que l’Europe serait forte au plan économique et relativement fragile au plan politique, des événements comme l’arrivée des migrants étant susceptibles de remettre en cause les enjeux de libre circulation actés par les accords de Schengen.
Un réseau d’échange d’informations contrôlé par les USA
Toutefois, l’analyse est plus compliquée car la mondialisation ne se restreint plus aujourd’hui aux affaires d’une poignée de diplomates ou à la surveillance de frontières que l’on aimerait parfois étanches. Il s’agit désormais d’un processus qui touche l’ensemble des Européens, quels qu’ils soient. Il les concerne du café pris le matin aux informations diffusées par le journal télévisé du soir. Il se diffuse surtout via Internet, qui apparaît comme le bras armé d’une nouvelle mondialisation effective, qu’on l’apprécie ou pas. Or, ce réseau est pour lors contrôlé à 90 % par les États-Unis et son usage connaît un essor fulgurant.
Ainsi, qu’on le veuille ou non, la plupart de nos actes numériques ont une empreinte économique. Par exemple, un simple mot sur le moteur de recherche Google représente bien sûr la « liberté » de surfer sur le Net via un site en apparence gratuit. Mais cet acte entraîne immédiatement un stockage des données, permet de mieux cerner le profil des utilisateurs, d’exploiter ces données ou même les revendre pour des informations ou des publicités plus ciblées. Ce vaste mouvement d’exploitation des données a été lancé par ce que l’on appelle les « GAFA » (Google, Amazon, Apple, Facebook). Toutefois, il tend aujourd’hui à se généraliser par le haut et par le bas, en supprimant de plus en plus d’intermédiaires entre le consommateur et le marché.
Par le haut, de nouvelles offres apparaissent avec des sites en apparence gratuits mais qui prennent des commissions pour assurer la diffusion de l’information (booking.com pour les hôtels, covoiturage.fr pour mettre en relation les usagers, etc.).
Ce phénomène « d’uberisation » s’opère aussi par le bas avec des individus qui s’appuient sur différentes plateformes pour échapper à diverses contraintes (les VTCpar exemple), quitte à accepter moins de garanties (salaires moins élevés, absence d’assurances ou de couverture sociale, etc.).
Contrôler l’économie virtuelle
Il est clair que ce mouvement de « dématérialisation des données » est en passe aujourd’hui de bouleverser l’ensemble des règles classiques qui régulaient nos sociétés, que ce soit dans le monde des assurances, de la santé, du livre, des retraits et services bancaires, de l’art, etc. D’ores et déjà, le téléchargement des musiques ou des films est de moins en moins contrôlé et cette vague s’étend à l’ensemble des actions effectuées en ligne. Booking.com prend désormais 30 % du prix des chambres en échange d’un seul référencement et l’argent est souvent récupéré par des sociétés qui sont hébergées dans des paradis fiscaux (au Luxembourg par exemple). Pour contrer cette évolution « cyberlibérale » qui a des atouts mais laisse aussi l’individu seul face au marché (menaces sur l’économie de proximité, escroqueries, fiabilité relative des opérations ou surtout de l’utilisation des données personnelles), des noms de domaines territoriaux ou éthiques se mettent en place. C’est notamment le cas, en Bretagne, du « .bzh », qui a été obtenu après plusieurs années d’efforts et est géré par une association à but non lucratif. L’internationalisation du Web dépasse donc de très loin les seuls enjeux « économiques ». Elle concerne quasiment la totalité des habitants de l’Union Européenne et touche désormais à presque tous les actes de la vie quotidienne.
Docteur en géographie il est professeur à l'Université de Rennes 2 et à l'Institut d'études politiques de Rennes. Spécialiste de l'aménagement du territoire et du développement régional, ses travaux de recherche portent plus particulièrement sur les transports et la Bretagne. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et de nombreux articles sur ces questions. Il préside également l'association Bretagne prospective-Breizh diawel.