Le noir : « couleur » des Bretons
Au début du IXe siècle, le roi breton Morvan répond à l’envoyé de l’empereur Louis le Pieux : « …vos boucliers sont blancs mais je pourrais leur en opposer encore beaucoup que recouvre une sombre couleur… » et la Grande prophétie de Bretagne (Armes Prydein Vawr), un texte gallois du début du Xe siècle, mentionne les « noires armées de Bretagne armoricaine ».
Il n’y a aucune preuve, en revanche, qu’un étendard blanc à croix noire ait été utilisé par des Bretons lors des croisades. Cet étendard semble remonter, comme ceux basés sur ce principe (la croix rouge des Anglais, la croix blanche des Français...), à la guerre de Cent Ans. On le retrouvera plus tard comme pavillon maritime, agrémenté de mouchetures d’hermine.
Le dragon et le rouge
Divers éléments montrent que les élites militaires et politiques des Bretons continentaux utilisèrent au haut Moyen Âge, tout comme les Bretons insulaires, le dragon rouge comme signe distinctif. À l’origine, il s’agissait d’une sorte de manche à air en tissu, avec une gueule en métal, le tout porté au bout d’une hampe. Le dessin du dragon rouge sur un étendard blanc fut simplifié en une bande rouge horizontale sur fond blanc. On remarque d’ailleurs que les armoiries des familles qui revendiquent une ascendance remontant aux princes et rois de Bretagne montrent souvent des bandes horizontales rouges.
L’hermine : un produit d’importation
L’hermine héraldique est une fourrure stylisée représentant la queue noire de l’animal fixée par des agrafes sur sa livrée d’hiver, immaculée. L’hermine est entrée dans l’histoire bretonne par l’intermédiaire de Pierre de Dreux, dit Mauclerc, un prince capétien français qui a épousé l’héritière du duché de Bretagne en 1214. Ce prince consort utilise les armoiries familiales (un échiqueté d’or et d’azur).
Pour se différencier des autres membres de sa famille, il porte une brisure, qui, dans son cas, est un canton d’hermine. C’est un de ses descendants, Jean III (1321-1341), qui décidera d’étendre ce quartier d’hermine à l’ensemble de l’écu, ce que l’on appelle d’hermine plain. Outre que ce choix fait désormais correspondre les couleurs ducales avec le noir et le blanc qui semblaient déjà être les couleurs bretonnes, l’hermine deviendra à partir de ce moment un élément de propagande de la politique des souverains bretons.
Son adoption dénote un coup politique. Le dessin de mouchetures sur un fond uni les met symboliquement sur un pied égalité avec les rois de France et leur écu d’azur aux fleurs de lys sans nombre, tout en abandonnant les couleurs or et azur de ces derniers pour montrer leur indépendance.
Des légendes seront même forgées, et des chroniqueurs feront remonter son adoption au premier temps de l’histoire de la Bretagne. Peu à peu, le peuple s’identifie à ce symbole, et l’hermine deviendra au cours des siècles l’élément essentiel de la symbolique bretonne, ainsi que l’animal lui-même.
L’émergence du celtisme
Au XIXe siècle, la Bretagne se découvre des racines celtiques et noue des relations avec les autres terres celtes, notamment dans le cadre du mouvement druidique.
Triskell
Du grec triskelês « à trois jambes », le triskell est un symbole universel. Sa présence récurrente dans l’art de La Tène en a fait l’emblème celtique par excellence, et c’est à ce titre qu’il a été repris par les artistes bretons de l’entre-deux-guerres. Il sera largement popularisé par le mouvement artistique Seizh Breur, qui s’était donné comme but de renouveler l’art populaire breton. Une nouvelle impulsion lui est donnée à la fin des années 1960 quand il accompagne le renouveau de la musique celtique en Bretagne.
Un hymne panceltique
Il s’agit d’une adaptation du chant national gallois, Hen Wlad fy Nhadau (« Vieux pays de mes pères »), composé en 1856.
L’adaptation Bro Gozh ma Zadoù, de même sens qu’en gallois, a été faite vers 1897 par le barde et futur grand druide de Bretagne Taldir (François Jaffrennou 1879-1956) et adoptée comme « chant national breton » au congrès de l’Union régionaliste bretonne réunie à Lesneven en 1903. À cette époque, l’Association celtique cherche à promouvoir l’hymne gallois comme hymne commun à toutes les nations celtes. Dans les faits, seuls les pays brittoniques — Galles, Bretagne et Cornouailles — l’ont adopté.
Un emblème floral
La bruyère (brug en breton), symbole de la ténacité bretonne avec ses clochettes appelant au réveil des Bretons, est également l’emblème de la Celtie. On peut aussi mentionner l’ajonc (lann en breton) comme emblème mais à un degré moindre. Assez populaires au XIXe et au début du XXe siècles, ces emblèmes sont relativement discrets depuis.
Pas le drapeau dans la poche
Surnommé couramment Gwenn-ha-Du (« Blanc et Noir »), le drapeau est devenu un élément incontournable de l’identité bretonne. Relativement récent, il a été dessiné dans les années 1920 par l’architecte Morvan Marchal, aidé de Ronan Klec’h (pseudonyme de René Rickwaert). Le but était de donner un emblème moderne à la Bretagne, sur le modèle de ce qui se faisait ailleurs en Europe — où des pays en plein réveil national comme l’Irlande, la Catalogne, la Finlande, le Pays basque, se dotaient de drapeaux modernes — tout en gardant les éléments de base comme le noir et le blanc, l’hermine et la diversité bretonne. On reprochait par ailleurs à la bannière d’hermine, utilisée jusqu’alors, son côté passéiste, féodal, son dessin peu lisible et que l’on confondait trop souvent avec le drapeau monarchiste français. Le nouveau drapeau fut adopté comme « drapeau national breton » le 20 septembre 1927, lors du congrès constitutif du Parti autonomiste breton qui regroupait toutes les tendances du mouvement breton de l’époque. Au départ cantonné au milieu politique et culturel breton, il fut adopté dans toutes les sphères de la société bretonne à partir des années 1960.
Ce drapeau a perdu de sa valeur revendicative alors que les Bretons s’en sont emparés, montrant ainsi un attachement à leur région, notamment lorsqu’ils circulent dans le reste du monde.
Un véhicule d’affirmation de l’identité
Le BZH est la contraction de Breizh, nom breton de la Bretagne. Il fut imaginé en premier lieu, au milieu des années 1960, par des étudiants bretons de Paris, membres du Mouvement pour l’organisation de la Bretagne, sous la forme d’un autocollant à fixer à l’arrière des véhicules.
Divers arrêtés en interdirent l’utilisation, exposant les contrevenants à des poursuites, ce qui ne fit que croître sa popularité. Le point d’orgue fut, en 2014, la création de l’extension internet .bzh, dix ans après le lancement du projet.