Les origines galloises
La romanisation et la christianisation entraînèrent la disparition du druidisme tant en Gaule que dans l’île de Bretagne. La transcription, au Moyen Âge, de traditions légendaires permit certes, en Irlande et au pays de Galles, de le sauver d’un complet oubli. Cependant, les spécialistes de la société celtique dénient au néo-druidisme d’être une résurgence du druidisme historique.
De fait, les diverses branches du néo-druidisme contemporain dérivent la plupart, en filiation plus ou moins directe, du Gorsedd Beirdd Ynis Brydain – « Gorsedd (ou « Assemblée ») des Bardes de l’île de Bretagne » – créé en 1792 par Edward Williams, dit Iolo Morganwg (1747-1846). Celui-ci, en mêlant des textes apocryphes à ses propres compositions littéraires et poétiques, élabora le règlement interne et le rituel de son organisation. Pour apprécier l’intérêt et peut-être les mérites du néo-druidisme, il n’est d’ailleurs pas nécessaire de lui attribuer la légitimité historique millénaire dont il se prévaut parfois. En le considérant seulement comme un mouvement philosophique, littéraire et idéologique moderne mais soucieux de conserver, comme un précieux héritage, certains pans du passé des nations – tels que la langue – on appréciera davantage son rôle dans l’affirmation, la défense et l’illustration poétique et littéraire de l’identité culturelle celtique, en Galles d’abord, puis en Bretagne.
Les premiers contacts avec la Bretagne
Pénétrant très largement les milieux intellectuels, la classe politique et jusqu’au clergé du pays de Galles, le néo-druidisme « gorseddique » s’acquit une place de premier plan dans le renouveau national et linguistique gallois, marqué par l’essor des eisteddfodau, festivals poétiques et musicaux de grande ampleur et très populaires. Les celtisants bretons eurent un premier contact avec le Gorsedd lors de l’eisteddfod d’Abergavenny en octobre 1838. Cinq d’entre eux y assistèrent, au premier rang desquels Hersart de La Villemarqué (1815-1895), qui s’apprêtait à publier le Barzaz Breiz. Invité, selon le rituel gorseddique, à pénétrer dans le cercle de pierre, La Villemarqué y reçut, sous le nom de Barz Nizon (« Barde de Nizon »), l’investiture bardique, accordée pour la première fois à un Breton du continent.
La naissance du Gorsedd breton
L’étape décisive suivante, dans le processus d’exportation en Bretagne du néo-druidisme gallois, ne survint qu’en 1899, lorsque le comité de l’eisteddfod invita à ses assises de Cardiff une vingtaine de Bretons dont la plupart venaient de fonder à Morlaix, en août 1898, l’Union régionaliste bretonne (Kevredigez Broadus Breiz). Ce furent entre autres les écrivains Anatole Le Braz et Charles Le Goffic, le poète et publiciste François Jaffrennou , le linguiste François Vallée, le critique d’art Jean Le Fustec . Tous furent fortement impressionnés par les fastes de l’eisteddfod et la place centrale qu’y tenait le Gorsedd, qui les accueillit en son sein. Quelques-uns, parmi lesquels les trois derniers cités, résolurent de doter le régionalisme naissant d’une structure néo-bardique bretonne.
Le 1er septembre 1900, à Guingamp, ils procédèrent à la première assemblée du Gorsedd Barzed Gourenez Breiz-Vihan (« Gorsedd des bardes de la presqu’île de Petite-Bretagne »), dirigé par son premier « grand druide » (Drouiz-veur), Jean Le Fustec.
La première société néo-druidique bretonne obtint aussitôt le « patronage » de l’archidruide du Gorsedd gallois, qui la plaçait ainsi dans la filiation du mouvement initié par Iolo Morganwg. Désormais et durant tout l’entre-deux-guerres, le Gorsedd fut une composante essentielle du mouvement breton et le fer de lance des relations interceltiques. À sa tête se succédèrent, après Le Fustec-Lemenik, Yves Berthou-Kaledvoulc’h (à partir de 1904), puis Jaffrennou-Taldir (de 1933 à 1956), qui donna à partir de 1927 aux assemblées publiques néo-druidiques (gorsedd digor, « ouvert ») un faste presque comparable à celui manifesté lors des eisteddfodau gallois.
De 1945 à nos jours
Après la Seconde Guerre mondiale ses assemblées se furent plus discrètes, tandis qu’une tendance philosophique et néo-païenne s’affirmait. Cette évolution contribua à des scissions qui donnèrent naissance à des sociétés plus ésotériques, telles que la Kredenn Geltiek (« Croyance celtique ») dès 1936 et la Kenvreuriezh Prederouriel an Drouized (« Confrérie philosophique des druides ») en 1975. La Gorsedd (l’emploi du féminin est d’usage aujourd’hui) fut successivement dirigée par les grands-druides Pierre Loisel (Eostig Sarzhaw, de 1956 à 1978), Gwenc’hlan Le Scouëzec (de 1980 à sa mort en 2008) et Per Vari Kerloc’h. Le nom complet de la Gorsedd de Bretagne est aujourd’hui Breudeuriezh Drouized, Barzhed hag Ovizion Breizh (« Fraternité des druides, bardes et ovates de Bretagne »).