La plupart des pirates français sont engagés à terre, dans les colonies, parmi les anciens flibustiers, les déserteurs et les vagabonds de toutes sortes. Un certain nombre de forbans sont aussi recrutés en mer, lors des prises : 11 % d’entre eux sont des engagés volontaires, mais 85 % sont en revanche recrutés contre leur gré (les motivations des 4 % restants sont incertaines). La plus grande partie sont des matelots et des mousses, mais les pirates en profitent aussi pour élargir le panel de leur équipage en embrigadant de force des « spécialistes » – enlevés avec leurs instruments de travail – comme des charpentiers, des calfats, des voiliers, des pilotes et, surtout, des chirurgiens.
Certains tentent de résister mais les menaces exercées contre eux finissent par les décider. En 1717, un marin pris par les pirates raconte à son épouse : « Ils nous menacèrent de nous donner une once de plomb dans la tête si nous n’avions point pris parti [avec eux]. » Quand ils sont ainsi recrutés de force, les marins insistent pour que leur enlèvement soit déclaré aux Amirautés afin de ne pas être traités comme des pirates en cas de capture.
Bien que théoriquement membres de plein droit des équipages pirates, beaucoup de marins vivent leur enlèvement comme une captivité. Quelques-uns tentent de s’évader et d’autres essayent même de prendre le contrôle du navire. Le Nantais Pierre Taffouret, recruté de force à bord du Revenge (capitaine John Philips), concocte ainsi un plan avec d’autres marins, également enlevés : lors de travaux de charpenterie à effectuer sur le pont, ils passent à l’action et massacrent les pirates à coups de hache. En revanche, un autre matelot nantais enlevé par le pirate Chemineau, Pierre Danays, en prend son parti et s’intègre de bon gré à l’équipage, finissant même par obtenir le commandement d’un navire.
