Un projet contesté d’aéroport international
L’idée d’un nouvel aéroport international dans la région nantaise germe dans les années 1960, au cœur des Trente Glorieuses. Dès que les habitants concernés en ont connaissance, en 1972, ils s’organisent en un Comité de défense, qui devient l’Association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (ADECA). Avec l’aide des syndicats agricoles, cette association travaille à informer la population des conséquences de l’implantation d’un aéroport sur leur commune. Une Zone d’aménagement différé (ZAD) de 1 225 ha est malgré tout établie, pour laquelle le Conseil général est nommé préempteur.
À la fin des années 1970, le projet semble abandonné. Discrètement pourtant le Conseil général fait jouer son droit de préemption. Il faut attendre 2000 pour que le projet soit repris sérieusement, quand Lionel Jospin lance la procédure préalable à la réalisation de l’aéroport. Ce qui provoque la même année la création de l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA) qui devient le fer de lance de la contestation au projet d’aéroport. L’ACIPA se développe rapidement et travaille à informer la population et à organiser la contestation.
Malgré la résistance qui se diffuse, le projet avance. Un débat public a lieu en 2002-2003, qui réunit 7 420 participants en seize réunions. En octobre 2003 le gouvernement donne son accord de principe au projet, qui est donc lancé officiellement. L’enquête d’utilité publique a lieu en octobre-novembre 2006. Une bonne partie des habitants et des associations y participent, pour témoigner de leur désaccord. Malgré une opposition majoritaire parmi les avis exprimés, la déclaration d’utilité publique est publiée le 10 février 2008.
Zone à défendre
À partir de 2005, date du début des forages, l’opposition se durcit et se radicalise. Le conflit, jusqu’alors très local, s’élargit. En 2007, une frange plus radicale de la contestation émerge sur la base d’un refus de tout compromis et l’expression d’une critique globale du système qui permet la mise en œuvre de nouveaux aéroports. Ces militants, souvent jeunes, revendiquent de nouveaux moyens d’action, et tout particulièrement l’occupation illégale des terres et des maisons de la zad. Le 15 août est ouverte « le Rosier », première maison squattée sur la zad. La Coordination des associations opposées à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ouvre de son côté, le 8 décembre, le lieu d’accueil « La Vache Rit ».
À la parution du décret d’utilité publique en 2008, la mobilisation s’intensifie. La zad est rebaptisée Zone à défendre. De nombreux nouveaux habitants commencent à occuper les maisons abandonnées, voire à construire des cabanes, jusque dans les arbres et sur les étangs. Il s’agit d’y vivre, mais aussi d’y lutter. Une microsociété contestataire et solidaire se met en place autour des mots d’ordre d’autogestion et d’autosubsistance.
L’élargissement de la lutte reste malgré tout lent et limité au-delà des milieux écologistes et alternatifs. Ce n’est en réalité qu’avec l’arrivée de Vinci comme concessionnaire (décembre 2010) et la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon (mai 2012) que la contestation prend une dimension nationale. Souhaitant commencer les travaux préparatoires à la construction de l’aéroport avant la fin de l’année, l’État lance à l’automne 2012 une opération d’expulsion des lieux d’occupation illégale sur la zad. Une résistance acharnée, et fortement médiatisée, des zadistes se met en place immédiatement, avec le soutien de l’ensemble du mouvement d’opposition au projet d’aéroport, ressoudé face à ce qui est vécu comme une agression. Le 17 novembre, quelque 40 000 opposants participent à une manifestation de réoccupation du site. Les comités de soutien se multiplient dans toute la France, dépassant la centaine en un mois et atteignant le nombre de deux cents au cours de l’année 2013.
Pacification, référendum et abandon
Dès lors, l’État joue le jeu de la pacification, tout en continuant à faire avancer le dossier. Les années suivantes sont ponctuées d’initiatives pour maintenir la dynamique : rassemblements festifs, chaînes humaines, manifestations à Notre-Dame-des-Landes ou Nantes. Les recours juridiques, notamment en matière environnementale, et les contre-expertises scientifiques se multiplient. Le 26 juin 2016, le gouvernement organise un référendum à l’échelle de la Loire-Atlantique. Le « oui » en faveur de l’aéroport l’emporte avec 55,2 % des voix. L’opposition ne désarme toutefois pas, dénonçant notamment le périmètre du référendum. Dès lors, en 2017, le nouveau président Emmanuel Macron nomme trois médiateurs pour trouver une solution. Suite à cette ultime consultation, le 17 janvier 2018, le Premier ministre Édouard Philippe annonce l’abandon du projet.