Quand Saint-Yves résiste par le rire aux agents du roi de France

Les témoignages recueillis lors de l'enquête de canonisation de saint Yves de Tréguier menée en 1330 le montrent se dresser face à des agents royaux. Sans doute en 1297, des sergents royaux atteignent Tréguier afin d'y percevoir une taxe royale, le cinquantième. Alors qu'un officier saisit par la bride un cheval de l'évêque pour s'en emparer, Yves Hélori lui fait face et reprend le butin. À Guillaume Tournemine, trésorier de la cathédrale de Tréguier, mais aussi et surtout chargé de la perception du cinquantième dans le diocèse, qui le traite de « coquin », il oppose un rire retentissant. Pourtant, celui qui l'injurie n'est pas n'importe qui : il appartient à une des familles les plus puissantes du nord du duché par ses implantations dans le Trégor et le Penthièvre, favorisées par son ralliement au pouvoir ducal. Surtout, il n'est autre que le frère de l'évêque de Tréguier, Geoffroi Tournemine. C'est donc contre ce dernier que s'élève l'official de Tréguier qui se veut être le garant des libertés de son Église. Ce schéma répond pleinement au « modèle Becket » décrit par André Vauchez. Pendant plus d'un siècle et demi après la canonisation en 1173 du prélat anglais assassiné dans sa cathédrale, Thomas Becket est hissé au rang de défenseur des libertés de l'Église face à l'État monarchique et devient, pour reprendre les termes d'André Vauchez, « le prototype et la référence obligée de toute sainteté ».