Un centre technologique progressivement dans l’impasse

Auteur : Vincent Daumas / mars 2024

Les mines de Huelgoat-Poullaouen ont été notamment pionnières du point de vue technologique. Elles constituent tout d’abord une porte d’entrée pour des techniques, des machines, des savoir-faire inconnus dans une France du XVIIIᵉ siècle presque dépourvue de mines. Les techniciens et ingénieurs anglais et allemands y implantent leurs pratiques, qui sont ensuite observées, apprises et décrites par les élèves de la jeune École des Mines, notamment dans leurs affectations postérieures. Avec l’appui des directeurs locaux, le complexe sert également de lieu d’expérimentation et alimente même une forme de tourisme scientifique, avec la visite curieuse d’éminents personnages tels que Lavoisier accompagnant le duc de Chartres Louis-Philippe d’Orléans, cousin du roi, en 1778.

À Huelgoat-Poullaouen, il est possible d’observer des connaissances très variées et spécialisées, telles que l’architecture souterraine, la construction des systèmes de pompages ou bien le maniement des fourneaux, ce qui montre que le savoir spécialisé réside également dans la propre gestuelle ou l’observation des ouvriers spécialisés. Par ailleurs, certains modèles de machine sont tout à fait uniques à l’échelle nationale. C’est particulièrement le cas de la machine à colonnes d’eau installée par le directeur Juncker, d’origine alsacienne, en 1831 : elle utilise la différence de poids entre l’eau entrant par un canal supérieur et celle sortant par un canal inférieur pour activer des pistons tirant l’eau des profondeurs de la terre. Il s’agissait d’une mécanique extrêmement précise et admirée par les différents voyageurs.

Machine à colonnes d’eau à Huelgoat en 1845. L’Illustration, 1er mars 1845, p. 248 et suiv., Source : Gallica. Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-1549

Cependant, le complexe minier centre-breton est trop éloigné des autres bassins industriels français, ce qui le coupe progressivement des investissements et des circulations de savoirs et main-d’œuvre spécialisés. Le complexe ne parvient pas à sortir du modèle énergétique eau/canaux/bois pour entrer dans celui charbon/vapeur/acier : on y installe une machine à vapeur en 1747 (la première de Bretagne) qui est efficace mais déficitaire par l’absence de ressources houillères proches. Ainsi, un site industriel qui est au XVIIIᵉ siècle à la pointe de la technologie devient progressivement banal puis tout à fait en retard, jusqu’à la fermeture finale.

 

 

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Auteur : Vincent Daumas, « Un centre technologique progressivement dans l’impasse », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 27/03/2024.

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité