1964, naissance de l’Union démocratique bretonne

Auteur : Tudi Kernalegenn / décembre 2016
Le 4 janvier 1964 naissait l’Union démocratique bretonne (UDB). Parti autonomiste breton ancré à gauche, il a eu un rôle crucial dans l’évolution idéologique de l’Emsav et dans la réhabilitation de la question bretonne depuis un demi-siècle.

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la revendication autonomiste bretonne semblait complètement sortie de l’agenda politique, ternie durablement par la collaboration de nombre de nationalistes bretons avec le régime de Vichy, voire avec l’Allemagne nazie. Si des revendications culturelles, via Kuzul ar brezhoneg, Emgleo Breiz ou encore Kendalc’h, et économiques, grâce au Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons (CELIB), réapparaissent rapidement, il faut attendre 1957 et la création du Mouvement pour l’organisation de la Bretagne (MOB) pour que se manifeste de nouveau au grand jour un régionalisme politique breton, sur une base se voulant toutefois « ni gauche ni droite ». Animé par Yann Fouéré, ce mouvement regroupait des militants aux opinions très diverses.

La jeune garde

C’est dans cette structure que commencent à militer de jeunes étudiants rennais, à l’instar de Ronan Leprohon, Yann-Cheun Veillard ou Loeiz Le Bec. Sensibles aux idées socialistes, militants à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), mobilisés contre la guerre d’Algérie, ils se sentent de moins en moins à leur place dans un parti verrouillé par la vieille garde nationaliste, qui refuse même en 1962 de condamner l’Organisation armée secrète (OAS). Quand le Comité d’action pour la Bretagne, regroupement éphémère d’organisations de la gauche bretonne en 1963-1964, refuse l’adhésion du MOB, la jeune garde marxisante du parti saute le pas et fait scission.

Autonomiste et de gauche

5 janvier 1964, fondation de l’UDB: Jean Guéguéniat, Jean Paul Le Berre, Loeiz Le Bec. Archives UDB. Photo : Yann-Ber PIRIOU.

Le 4 janvier 1964, ils sont seize jeunes à se réunir pour créer l’Union démocratique bretonne (UDB), un parti autonomiste breton explicitement ancré à gauche. Si la charte adoptée à l’occasion affirme la « vocation nationale de la Bretagne », elle prône également « la disparition du libéralisme économique », préconise « la primauté du travail sur le capital » et défend « la nécessité d’une planification de l’économie ». C’est une double tâche que se donne donc le nouveau parti : développer les idées de gauche au sein du mouvement breton, l’Emsav, et, plus encore, faire accepter la légitimité de ses revendications régionalistes par la gauche traditionnelle française. Le premier combat de l’UDB, dans le monde très polarisé de l’époque, est d’ailleurs de se faire accepter par les autres partis de gauche, la SFIO, le PSU et le PCF. Ce qui ne se fait pas sans peine, tant l’ensemble des autonomistes bretons est encore assimilé aux collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale, appelés de manière générique les « Breiz atao ». Dès 1965, l’UDB apporte pourtant son soutien à François Mitterrand à l’occasion de la première élection présidentielle au suffrage universel.

Une percée entravée

Pour mener son combat politique, l’UDB se dote dès sa fondation, d’un organe de presse, Le Peuple breton, qu’elle publie sans faille depuis, et qui lui sert à diffuser ses idées. Ainsi, elle y développe dès les années 1960 la thématique « Bretagne = colonie », qui deviendra son slogan marquant des années 1970. Après 1968, le parti connaît une décennie de croissance, jusqu’à revendiquer 2 000 adhérents en 1980.

Congrès de l’UDB en1974 : YB Piriou, R. Leprohon, Yann Cheun Veillard. Archives UDB. Photographe inconnu.

Les années 1980 en revanche voient le parti en déroute alors que certaines de ses idées sont reprises par le PS, au pouvoir. Après une modernisation doctrinale dans les années 1990 et le renforcement des liens avec des partis similaires en France (au sein de Régions et Peuples solidaires) et en Europe (au sein de l’Alliance libre européenne), l’UDB connaît un redémarrage dans les années 2000, avec notamment son entrée au conseil régional de Bretagne en 2004, en alliance avec Les Verts, et l’élection d’un premier député, Paul Molac, en 2012.

Bilan

Quel bilan faire de cinquante ans d’existence de l’UDB ? Indéniablement, parmi les partis issus de l’Emsav, l’UDB est celui qui s’est le mieux installé dans le paysage politique breton, a atteint la plus grande stabilité et crédibilité, et a le mieux intégré les institutions. L’UDB, aux côtés, certes, d’autres acteurs, a en outre réalisé un de ses objectifs premiers, qui était de réconcilier la gauche avec la question bretonne. Autre victoire importante, elle a réussi à légitimer la revendication autonomiste, à se faire accepter comme parti reconnu et fiable, y compris parmi les opposants aux idées qu’elle porte.

L’UDB a eu une influence indéniable sur des questions clés qui ont traversé et traversent encore la société bretonne, comme le devenir des langues régionales, la décentralisation, le modèle de développement régional, les inégalités territoriales ou le combat pour la réunification de la Bretagne. Le parti a été une boîte à idées particulièrement fertile ces cinquante dernières années, non seulement sur les questions institutionnelles et culturelles, mais aussi sur les questions agricoles, maritimes ou énergétiques.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Tudi Kernalegenn, « 1964, naissance de l’Union démocratique bretonne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 2/12/2016.

Permalien: https://bcd.bzh/becedia/fr/1964-naissance-de-l-union-democratique-bretonne

Bibliographie 

  • Kernalegenn Tudi et Pasquier Romain (dir.), L’Union démocratique bretonne. Un parti autonomiste dans un État unitaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • Monnier Jean-Jacques, Henry Lionel, Quénéhervé Yannick, Histoire de l’UDB. 50 ans de luttes, Fouesnant, Yoran embanner, 2014.

 

Emsav

  • Nicolas Michel, Histoire de la revendication bretonne, Spézet, Coop Breizh, 2007.
  • Nicolas Michel, Breizh, la Bretagne revendiquée, Morlaix, Skol Vreizh, 2012.

Leprohon

  • Cadiou Georges, Emsav. Dictionnaire critique, historique et biographique, Spézet, Coop Breizh, 2013.
  • Henry Lionel, Dictionnaire biographique du mouvement breton, Fouesnant, Yoran embanner, 2013.

Proposé par : Bretagne Culture Diversité