Du grand incendie de 1720 – dont les traces sont encore bien visibles pour qui sait les retrouver dans le cœur de ville – aux flammes qui s’emparent du Parlement de Bretagne en 1994, le moins que l’on puisse dire est que Rennes n’est pas épargnée par Héphaïstos, le dieu grec du feu. Et encore, il ne s’agit là que d’exemples célèbres, encore vivement ancrés dans les mémoires. L’historien du XVIIIe siècle Gilles de Languedoc rapporte ainsi que la ville bretonne est ravagée deux fois par le feu au XIIe siècle, en 1128 puis en 1183. Pourtant, à chaque fois Rennes se relève, peut-être même encore plus belle et majestueuse qu’auparavant.
Du feu… à l’eau
C’est clairement ce que rappelle la piscine Saint-Georges, bâtie dans les années 1920 après qu’un incendie ait détruit, dans la nuit du 4 au 5 août ;1921, le palais du même nom, situé en plein cœur de Rennes, dans le prolongement de ce qui est alors l’avenue de la Gare, actuelle avenue Janvier. Certes, le bâtiment n’héberge plus le fameux 41e régiment d’infanterie, une unité qui a fait la fierté de la ville au cours de la Première Guerre mondiale et qui tient désormais garnison en la caserne Mac Mahon, dans le prolongement de la rue Legraverend. On y trouve alors des services administratifs du 10e corps d’armée et notamment des milliers de dossiers de pension des poilus de la Grande Guerre : une montagne de papiers qui concourt à l’embrasement rapide de l’édifice. Les seules victimes de l’incendie sont des pompiers et quelques soldats, tous légèrement blessés en combattant le feu. Au lendemain du sinistre, il ne reste de l’imposante caserne de 180 mètres de long qu’un amas de pierres noircies que le ministère de la Guerre s’empresse de vendre à la ville de Rennes. La municipalité de Jean Janvier reconstruira l’édifice et y adjoindra la piscine évoquée plus haut, classée 8e plus belle du monde par le site californien Architecture Digest en 2017.
L’incendie de la caserne Saint-Georges émeut d’autant plus les Rennais qu’il se produit un an après le sinistre qui ayant frappé un autre symbole de la ville, l’hôtel de ville. C’est vers deux heures du matin, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1920, qu’un agent de police découvre un départ de feu dans les combles de l’aile sud de l’imposant édifice. Les pompiers arrivent presque aussitôt sur place mais le brasier est alimenté, là encore, par des monceaux de papiers, en l’occurrence les archives du poste de police entreposées sous les toits. À 3 h 30 du matin, l’incendie est à son paroxysme et les flammes s’emparent de toute la partie sud de l’hôtel de ville. Vingt minutes plus tard, le plafond de la salle des fêtes s’effondre, dans un fracas de vitres et de lustres que l’on imagine assourdissant. Pourtant, comme deux siècles auparavant, quasiment jour pour jour, l’aile sud de la mairie de Rennes dessinée par Jacques Gabriel retrouvera son intégrité grâce à une ambitieuse restauration diligentée par le maire, Jean Janvier.
Le feu pour achever les chantiers
À quelques dizaines de mètres de là, neuf ans auparavant, c’est l’aile ouest du palais du Commerce, titanesque chantier initié par le Haussmann rennais Edgar Le Bastard, qui est la proie des flammes. Alors qu’en cet après-midi du 29 juillet 1911 une lourde chaleur écrase le chef-lieu du département d’Ille-Vilaine, un orage éclate. Plusieurs témoins expliquent même voir la foudre « s’abattre sur le toit d’où jaillit aussitôt une petite flamme ». Bien que prévenus immédiatement, les pompiers ne parviennent pas à circonscrire le sinistre. La pluie qui commence à tomber dru n’y change rien et L’Ouest-Éclair, dans son édition du 30 juillet 1911, affirme que « les dégâts se chiffrent par centaines de mille francs ». Mais, là encore, ces montants astronomiques n’empêchent pas la municipalité de Jean Janvier de reconstruire l’édifice, et même de l’achever. En effet, le plan de l’architecte Jean-Baptiste Martenot comporte à l’origine deux ailes mais, en 1911, seule l’aile ouest existe. Le chantier est à l’arrêt depuis vingt ans et rien ne semble devoir évoluer. Il faut en réalité attendre 1922 pour que les travaux, définitivement achevés en 1929, reprennent. Bâtiment emblématique de Rennes, le palais du Commerce renaît alors de ses cendres, comme le Phoenix, et d’une certaine manière comme le chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine lui-même, tant l’histoire de la ville est liée au poids des flammes.