Villes-ports, Morlaix, Saint-Malo ou même Nantes doivent beaucoup à la mer. Aux XVe et XVIe siècles, ces villes sont réellement cosmopolites et polyglottes. La Bretagne, riche de milliers de rias, havres, baies ou golfes, est ouverte sur le monde et commerce avec lui principalement par voie maritime, espace convoité où les différentes nations se mènent une guerre effrénée pour le contrôle du monde.
Jaloux des conquêtes espagnoles, François Ier finance pour la première fois une mission d’exploration. Michel Le Bris estime que « l’intégration de la Bretagne au royaume de France, achevée en 1532, lorsque François Ier en hérite au nom de son fils le dauphin, apporte, dirait-on, une impulsion nouvelle. Ce n’est pas seulement un littoral exceptionnel qui s’ajoute ainsi aux terres de la Couronne, mais aussi une très riche et très ancienne culture maritime ». L’intérêt du souverain pour le monde se traduit rapidement par la légalisation croissante d’une activité millénaire : la piraterie.
Pirates et corsaires
Le mot « pirate », issu du grec ancien peiratês, témoigne d’une activité millénaire. Celui de « corsaire », lui, est beaucoup plus récent. Il est issu du latin cursus qui veut dire « cours » et date du XVe siècle. Néanmoins, les deux mots sont parfois utilisés comme synonymes bien que pirates et corsaires ne disposent pas du même statut. Les premiers étaient des hors-la-loi, et risquaient donc la potence en cas de capture, mais ne se pliaient qu’à leurs propres règles, décidées collectivement sur le navire.
Les corsaires, eux, étaient des marins mandatés qui disposaient d’une « lettre de course » de leur souverain (ou de son administration). C’était une manière pour le monarque de faire la guerre à peu de frais, en s’attaquant aux navires marchands plutôt qu’aux vaisseaux militaires afin d’affaiblir l’économie de la nation rivale. Ces corsaires agissaient librement, mais obéissaient tout de même aux codes de la guerre. Ils devaient respecter les vies et les biens des personnes à qui ils s’attaquaient. Seul le butin matériel était visé. Leur vaisseau de prédilection était le sloop ou le cotre, de petits navires de 26 mètres de long, taillés pour la vitesse, et qui demandent peu d’hommes pour manœuvrer.
Le rapport du corsaire morlaisien Nicolas Anthon (1714~1753) fait état de la façon dont étaient rançonnés les navires : « on délivrait alors un reçu, que le capitaine rançonné pouvait présenter si un nouveau corsaire l’arraisonnait. Il était en effet interdit de rançonner deux fois le même bateau. Si la prise promettait une bonne vente, on la ramenait à bon port (Morlaix), où le tribunal des prises devait tout d’abord estimer si le bâtiment saisi était “de bonne prise”. On pouvait seulement ensuite procéder à la vente aux enchères, sinon, il fallait le rendre à ses propriétaires. Les gains étaient répartis entre l’État, les armateurs et l’équipage. Les veuves et les blessés touchaient une part majorée ».
Des pirates…
Peu de pirates bretons ont laissé leur nom dans l’histoire. Sans doute parce qu’ils étaient pendus avant d’accomplir un quelconque fait de gloire. Si le code de Bartholomew Roberts excluait les femmes, celles-ci n’en naviguaient pas moins et on retiendra en Bretagne deux femmes pirates ayant défrayé la chronique : Jeanne de Belleville (~ 1300-1359), puis la Gourinoise Anne Dieu-le-veut (1661-1710) qui, accompagnée de ses maris successifs (Pierre Lelong, Joseph Chérel puis Laurent de Graff), a sévi sur différentes mers du monde. Jean Coatanlem (1455-1492), sieur de Kéraudy en Plouezoc’h, qui finit amiral du Portugal avec le titre de « Gouverneur de la mer », fait aussi partie des grands noms de la piraterie bretonne. Il fut banni par le duc de Bretagne après avoir pillé Bristol.
…aux corsaires
La vie de pirate ou de corsaire n’est jamais définitive et l’objectif reste souvent de se faire un nom pour gravir l’échelle sociale. Gilles Lapouge fait mention d’un pirate breton qui illustre bien que l’aventure est une excuse : « En l’année 1728, un Nantais nommé Jean Thomas Dulaien s’empare sans coup férir de quinze bateaux alors qu’il ne commande, lui, que deux rafiots. Il fait voile vers la Tortue pour y partager le gigantesque butin et faire radouber l’un de ses deux bâtiments. Là, durant que les marins s’affairent sur la coque, Jean Thomas appareille avec son second navire et le trésor : « Adieu canailles, crie-t-il à ses marins, je vas en France et je ne suis plus forban. »
La potence ou la gloire, question de statut, question de reconnaissance.