Le collectage ethnobotanique en Bretagne

Auteur : Maëlle Mériaux / octobre 2017
Le collectage ethnobotanique ne se réfère pas, comme on a tendance à l’imaginer, à la collecte de plantes, mais au recueil de savoirs et savoir-faire sur ces plantes, à travers la collecte de témoignages. En Bretagne comme ailleurs en France, les usages locaux des plantes ont suscité l’attention à travers les siècles.

Jusqu’au XVIIIe siècle : L’histoire naturelle, ou les prémices d’une ethnobotanique

Exemple d’ouvrage d’histoire naturelle détaillant les propriétés des plantes : Histoire des plantes qui naissent aux environs de Paris, avec leur usage dans la Médecine, écrit par M. Pitton Tournefort en 1698. Source : Gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Même si l’on ne parlait pas encore d’ethnobotanique, l’intérêt porté aux usages populaires des plantes n’est pas nouveau. Les connaissances et les pratiques associées sont déjà mentionnées dans les ouvrages d’histoire naturelle. Mais celles-ci perdent de leur attractivité avec l’apparition, notamment, de la classification scientifique, développée par Linné (1707-1778) à partir de 1735. L’étude des plantes se scinde alors en une botanique fondamentale, qui travaille sur la classification du végétal et sa physionomie, et une botanique utilitaire. Avec la notation scientifique des espèces en latin, au détriment de l’ensemble des noms communs des plantes, la botanique se trouve coupée du populaire.

Du XIXe au début du XXe siècle : Les folkloristes et le rapport des sociétés au végétal

Portrait de Paul Sébillot vers 1900, publié dans le Dictionnaire international des folkloristes contemporains de Henry Carnoy en 1903. Source : Berose, l’Encyclopédie en ligne sur l’histoire de l’anthropologie et des savoirs ethnographiques.
C’est notamment depuis le milieu du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, avec les collectages des folkloristes, qu’ont été (re)connus les usages populaires des plantes en France, et leur vulnérabilité due à l’industrialisation. La collecte sur ce sujet fut très riche en Bretagne, et plus particulièrement en Haute-Bretagne, grâce à l’œuvre considérable de Paul Sébillot (1843-1918). Les usages des plantes, herbacées comme arborées, sont abordés parmi d’autres thèmes. Ainsi, de nombreuses questions concernent la médecine populaire, mais aussi les représentations associées au végétal – on use beaucoup à l’époque du terme de « superstitions » –, qui constituaient assurément l’un des sujets de prédilection des folkloristes.

Les années 1960 : La question du végétal traitée surtout par la sociologie rurale

Le développement de l’ethnologie dans le domaine français, notamment après la Seconde Guerre mondiale, a emmené un certain nombre de chercheurs sur la question de l’usage populaire des plantes pour se soigner, du rapport au corps et à la maladie. D’autres se sont intéressés à l’artisanat dans une réflexion sur les techniques du corps et les savoir-faire. En Bretagne, les ethnologues se sont peu penchés sur la question, et c’est davantage dans le domaine de la sociologie rurale que se trouvent les travaux se rapportant à l’ethnobotanique, appliquée cette fois au végétal cultivé en agriculture, et à tous les savoirs et savoir-faire qui s’y rapportent. En effet, c’est l’époque de la modernisation agricole, et de nombreux chercheurs questionnent la figure du « paysan » d’autrefois, tels que Edgar Morin en 1967, sur la commune de Plozévet, ou encore Pierre-Jakez Hélias, dans son fameux ouvrage Le Cheval d’orgueil.

Batterie du blé dans une ferme de la commune de Brignogan-Plages (Finistère) dans le 1e quart du 20e siècle. Édité par Lévy et Neurdein réunis. Source : Cartolis

Les années 1970 : Le revival n’a pas concerné que la musique et le chant traditionnels

Par ailleurs, si les années 1970 ont été représentées surtout par du collectage amateur de musique et de chant dans les campagnes bretonnes, quelques collecteurs se sont petit à petit intéressés à d’autres sujets. Cela vient notamment du fait que les moyens techniques d’enregistrement sont devenus financièrement plus accessibles, et qu’il devenait possible de laisser tourner l’enregistreur même lors des discussions. Concernant le végétal, ce sont notamment les remèdes à base de plantes qui ont été collectés, l’alimentation ou encore l’agriculture d’autrefois… L’ensemble de ces matériaux enregistrés révèle une grande richesse dans les usages passés des plantes en Bretagne, et un rapport quotidien au végétal, qu’il soit sauvage ou cultivé.

Les années 2000 : La mode est à l’ethnobotanique

C’est dans les années 2000 que commence à apparaître un collectage portant spécifiquement sur l’ethnobotanique en Bretagne, qu’il soit le fait d’amateurs, de professionnels ou de chercheurs. Dix ans plus tard, les premiers ouvrages publiés sur le sujet commencent à apparaître en Bretagne : Daniel Giraudon écrit notamment sur les jeux de langage autour du végétal, le réseau Flora armorica publie son recueil d’enquêtes, Christophe Auray s’intéresse à la médecine vétérinaire populaire... Ce sont ainsi de larges zones géographiques qui sont couvertes, telles que le Centre-Ouest Bretagne, le pays de Redon, le bassin Rennais. Des parcs naturels régionaux et écomusées ont également lancé leurs propres enquêtes, enfin des réseaux de collectage et des associations ont petit à petit vu le jour sur cette thématique.

Ainsi, il existe aujourd’hui une grande quantité de matériaux (livres anciens, archives papiers, enregistrements audio et vidéo) sur les savoirs ethnobotaniques en Bretagne, qui méritent d’être davantage connus. Ces matériaux sont les traces des usages passés des plantes, et peuvent apporter des éléments de réponse aux utilisations du végétal que l’on aimerait développer pour l’avenir.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Maëlle Mériaux, « Le collectage ethnobotanique en Bretagne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 23/10/2017.

Permalien: https://bcd.bzh/becedia/fr/le-collectage-ethnobotanique-en-bretagne

Bibliographie

  • Auray Christophe, Enquête sur les remèdes traditionnels en Bretagne, Rennes, Ouest-France, 2011.
  • Bienvenu André, La santé en pays gallo : anatomie, maladies et médicaments naturels. Le portement en Haote-Bertagne : filomie, maos et deus, rmaedes et ‘herbolées  avec également les boissons de convivialité, Rennes, Rue des Scribes Éditions, 2009.
  • Carlier Viviane, Créachcadec Florence, Gall Laurent, et Le Gall Myriam, Savoirs populaires sur la flore en Centre Ouest Bretagne : Dastumadeg kentañ. Premières cueillettes. Flora armorica, 2011.
  • Giraudon Daniel, Du chêne au roseau ; traditions populaires de Bretagne, Fouesnant, Yoran Embanner, 2010.
  • Mériaux Maëlle, « Ethnobotanique : une dynamique de collectage qui essaime en Haute-Bretagne, Musique bretonne, n° 240, 2014, p. 24-28.
  • Morin Edgar, Commune en France. La métamorphose de Plodémet, Paris, Fayard, 1967.
  • Sébillot Paul, « Les arbres & les plantes », Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne, Paris, Maisonneuve & Larose, 1882.

Proposé par : Bretagne Culture Diversité