À plusieurs reprises, le vicomte de Rohan, allié au roi de France Charles VIII et lui-même prétendant au duché de Bretagne, a demandé aux bourgeois et à la garnison de Guingamp de lui livrer la place. Il en a été pour ses frais. En Trégor, entre 1486 et 1487, la guerre s’est avant tout résumée à des escarmouches et à quelques coups de main.
La pression sur Guingamp se fait de plus en plus forte en 1488. La ville est alors défendue par Merrien Chéro, chef de la milice municipale que décrit ainsi l’historien Sigismond Ropartz : « vieux et infirme, mais dans ce corps usé battait un courage à toute épreuve ». Le vicomte tente bien de corrompre ce défenseur par l’intermédiaire d’un courtisan, Gilles Rivault de Kerisac, ou grâce aux charmes de la comtesse de Quintin… Merrien Chéro résiste poliment et gagne du temps, stocke les munitions et les vivres et attend l’arrivée de renforts ducaux.
Gouicquet, un capitaine énergique
François II nomme alors comme capitaine un certain Gouicquet. Il a une revanche à prendre sur les Rohan qui ont pris Moncontour, dont il avait la charge. En Basse-Bretagne, les hostilités s’interrompent un moment après la défaite de l’armée bretonne à Saint-Aubin-du-Cormier, en juillet 1488, suivie par la mort de François II. La jeune duchesse Anne de Bretagne refuse de se soumettre.
Les hostilités reprennent en décembre 1488. Le vicomte de Rohan et son frère ravagent Pontrieux, le port naturel de Guingamp, qu’ils menacent ensuite. Le 9 janvier 1489, les éclaireurs de l’armée de Rohan sont repoussés par Gouicquet et une troupe de jeunes Guingampais. Le lendemain, l’avant-garde pénètre dans les faubourgs de Montbareil et Porz-an-Quen, qui sont incendiés.
Le siège commence
Les premiers jours, le vicomte de Rohan se contente de ravager les environs de Guingamp. Il s’établit dans les bâtiments de l’abbaye de Sainte-Croix, au sud de la ville. L’attaque du fort de Saint-Léonard débute le 18 janvier. Trois couleuvrines sont installées pour tirer contre ce poste avancé guingampais. Gouicquet tente une sortie audacieuse et massacre les artificiers.
Le capitaine guingampais, encerclé, abandonne la position, dévale la pente, bouscule et enfonce les lignes ennemies. Mais, serré de trop près, il doit se réfugier dans le couvent des cordeliers avant d’avoir atteint les portes de la ville. Pendant toute la nuit, il repousse les attaques des hommes de Rohan. Au petit matin, combattant à reculons, il parvient à entrer dans la ville.
Assauts repoussés
De Rohan place alors son artillerie. Une partie est installée sur le coteau de Montbareil d’où elle peut bombarder l’intérieur de la ville. Le reste des canons, depuis le jardin des Jacobins, s’attaque au rempart à hauteur de l’actuel Champs-au-Roy. Une brèche est ouverte dans la fortification. De Rohan ordonne l’assaut. Mais celui-ci est repoussé par les Guingampais. Les canons sont alors déplacés et une seconde brèche est créée, au nord, entre la porte de Montbareil et celle de Tréguier. De Rohan attaque. Ce second assaut est à nouveau repoussé.
La ville prise par surprise
Une trêve intervient. Guillaume de Boisboessel, qui commande la garnison du château en l’absence du gouverneur Olivier de Coëtmen, prend contact avec Pierre de Rohan afin de négocier une sortie honorable pour ses troupes, faisant fort peu de cas du sort des Guingampais et des efforts de la milice municipale. De Boisboessel ouvre la porte de Rennes, qu’il défendait, aux hommes de Pierre de Rohan, qui se ruent à travers la ville. Les ultimes défenseurs, pris par surprise, ne peuvent rien. Gouicquet parvient à s’enfuir à la Roche-Derrien.
La ville est alors livrée au pillage. « À l’entrée que ces Français firent en ladite ville et durant qu’ils y furent, ils pillèrent et robèrent (dérobèrent) ce qu’ils purent trouver de biens en ladite ville, et rompirent coffres, huges, caves, celliers, greniers, et firent de grands oultrages », révèle une enquête de l’époque. Outre ses exactions, de Rohan exige dix mille écus d’or, somme que les bourgeois de la ville jugent exorbitante.
Dédommagée par Anne de Bretagne
Après la chute de Guingamp, un fort parti de nobles du Trégor, fidèles au duc, est défait à Squiffiec. Le lendemain, mille cinq cents Anglais et des mercenaires irlandais envoyés en renfort au duc de Bretagne débarquent dans le Goëlo. Gouicquet les rejoint. Anglais et Bretons investissent alors une ville de Guingamp dévastée, que de Rohan et ses alliés ont préféré abandonner.
Par la suite, Guingamp sera à nouveau assiégée et occupée, en 1491, par l’armée française de La Trémoille. La paix revenue, Anne de Bretagne, devenue reine de France, n’oubliera pas la cité trégorroise. Elle lui accordera des indemnités, entre autres « cent livres tournois pour deux ans », en 1498. Elle visite d’ailleurs Guingamp lors de son triomphal voyage en Bretagne de 1505.
Le siège de Guingamp a marqué les esprits en Basse-Bretagne et est resté longtemps dans les mémoires grâce à une chanson, Seiziz Gwemgamp, qui semble cependant mêler les souvenirs du siège de 1489 à celui survenu pendant la guerre de la Ligue, un siècle plus tard.