En France, l’année 1657, qui voit partir de Nantes la première campagne de traite atlantique, est aussi celle où sont accueillis, à la cour de Louis XIV, les premiers cuisiniers italiens qui maîtrisent la préparation du chocolat. Anne d’Autriche (1601-1666), la mère du roi, en est une fervente amatrice.
Les raffineries de sucre et les brûleries de café se développent en métropole, quand les guildiveries, où l’on produit de l’eau-de-vie, et les rhumeries se multiplient dans les colonies. Les classes les plus aisées raffolent de tout ce qui émane de ces territoires et, pour les satisfaire, les artisans rivalisent d’inventivité, grâce à de nouveaux savoir-faire. Les cafetières, les théières, les chocolatières, les sucriers, les pinces à sucre, les saupoudreuses, les bols à punch, les « tables à cabaret » et les tabatières font leur entrée dans les intérieurs bourgeois.
La diffusion des produits issus des colonies s’inscrit au cœur des enjeux de la mondialisation des échanges à l’échelle, non pas de trois mais de quatre continents — l’Europe, l’Afrique, l’Amérique et l’Asie. Les épices, les soieries, les cotonnades peintes en Inde, les porcelaines et les laques en Chine circulent dans le monde entier. Les routes de ces marchandises sont, d’ailleurs, souvent plus complexes qu’il n’y paraît. Ainsi, une partie des textiles indiens qui gagne l’Europe est destinée, finalement, aux côtes d’Afrique, dans le cadre de la traite atlantique.
Quant à l’ensemble des produits issus des plantations esclavagistes, ils sont, incontestablement, au XVIIIe siècle, l’exemple le plus tragique d’un système de production intensif et exclusif d’une partie du monde à l’usage d’une autre.