Une performance scientifique de niveau international en recherche marine
Ces résultats sont le fruit d’une évaluation comparative, datant de 2016, des publications en sciences marines de 123 sites dans le monde répertoriées sur le Web of Science, l’une des principales bases recensant les travaux académiques. Le volume de publications annuel depuis 1975 est recensé à partir d’une définition ouverte des sciences de la mer. Mais celle-ci demeure encore aujourd’hui sujette à discussion, les domaines concernés étant particulièrement divers : depuis l’océanographie et la biologie marine, en passant par la météorologie ou les géosciences, et jusqu’aux champs plus applicatifs tels les biotechnologies, la pêche et l’aquaculture, la construction navale et les matériaux, les technologies de l'information et de la communication (TIC), l’offshore et les énergies marines… Brest présente un corpus total de publications marines qui place le territoire à un rang très proche de certaines capitales nationales (Sydney, Madrid, Rome, Stockholm) et métropoles (Barcelone, Shanghai, Vancouver, Miami, Bergen), ou devant d’autres centres reconnus pour leur spécialisation ainsi que leur présence dans le champ de la recherche marine tels Los Angeles, São Paulo, Kiel, Hambourg, Plymouth, ou encore Southampton. Concernant Roscoff, la performance, remarquable, est attribuable à la Station biologique (Sorbonne Université, Institut national des sciences de l’univers, CNRS), et à sa production historique en biologie et écologie marines notamment.
Les acteurs de la science marine à la pointe bretonne : diversité et complémentarité
L’une des spécificités du territoire est la concentration de centres de recherche marine se distinguant autant par leurs spécialités et leurs missions que par leurs statuts. Le centre brestois de l’Ifremer, le principal de l’Institut à l’échelle nationale, implanté en 1967, constitue, avec les acteurs universitaires et les écoles (UBO et son Institut universitaire européen de la mer, ENSTA Bretagne, École navale, IMT Atlantique, Station biologique de Roscoff), la base de l’écosystème scientifique local dans le domaine marin et littoral. Celui-ci compte au total 24 unités de recherche pour plus de 700 chercheurs et enseignants-chercheurs (1 700 personnes environ en incluant les postes de soutien à la recherche : ingénieurs, techniciens, administratifs) et quelque 1 600 étudiants. Plusieurs unités ou équipes ont la particularité d’être communes à des instituts et écoles ainsi que des entreprises du territoire (Naval Group, Thalès). Ce noyau d’acteurs est complété par d’autres établissements tels le Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine), le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), le Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) ou encore la Station de biologie marine de Concarneau (Muséum national d'Histoire naturelle - MNHN).
Les effets d’entraînement de la « force scientifique bleue » sur l’économie locale
À l’instar des secteurs économiques plus « classiques », l’activité des centres de recherche sollicite partiellement l’appareil productif et soutient ainsi la « demande » adressée à l’économie locale (et par extension l’emploi local). Ce premier type d’effet passe principalement par les dépenses des instituts, ainsi que celles des personnels eux-mêmes. Il apparaît certes modeste en volume, puisque les effectifs dans la recherche marine ne représentent qu’une faible part de l’emploi local. Mais il est intéressant de constater que, en comparaison d’autres secteurs économiques (industriels, commerciaux…), l’activité de recherche marine se situe dans la moyenne haute : elle ne figure pas parmi les activités les plus intégrées économiquement et sollicitant le plus fortement l’appareil productif régional ou local, mais pas non plus, comme l’on aurait pu s’y attendre, parmi celles les plus « offshore » (activités dont les fournisseurs, clients et autres partenaires sont exclusivement des acteurs économiques extérieurs au territoire).
Le deuxième type d’effet d’entraînement est ici le plus intéressant, et il est de plus spécifique cette fois à l’activité de recherche. Il s’agit d’une stimulation et d’une dynamisation particulières des secteurs et des acteurs privés de « l’économie bleue » en local – donc des activités appartenant aux mêmes champs thématiques que les recherches menées. Cet effet est multiforme. Il se traduit par exemple par des essaimages académiques (création d’entreprises par des chercheurs : une trentaine ces dernières années sur le territoire, pour quelque 350 emplois) et des projets menés en commun par des chercheurs et des entreprises (des thèses cofinancées : environ 10 % des thèses en sciences marines du territoire ; des projets collaboratifs : quelque 200 projets sur 10 ans dans le cadre du Pôle Mer Bretagne Atlantique depuis sa création en 2005…). Ce pôle de compétitivité, avec ses 350 adhérents dont plus de la moitié de PME, constitue par ailleurs avec d’autres acteurs telle la SATT Ouest Valorisation, un groupe de « facilitateurs » de relations entre scientifiques et entreprises. Dans un autre registre, mais jouant un rôle semblable, citons le Campus mondial de la mer, démarche qui fédère à l’échelle de la Bretagne occidentale plus de 200 entreprises, établissements d’enseignement supérieur, centres de recherche et collectivités territoriales ; ou encore la Sea Tech Week, congrès international d’une semaine qui rassemble à Brest, tous les deux ans, plus d’un millier de participants, chercheurs comme entreprises.
Un potentiel de valorisation économique à développer
La présence sur le territoire et le développement des structures et événements précédemment cités sont à la fois des révélateurs des effets d’entraînement économiques, et des leviers pour les renforcer. La dynamique pourrait de fait être encore accentuée, comme le révèle la confrontation avec les modèles d’autres territoires de tradition maritime au profil semblable (par exemple Bergen en Norvège). Les spécificités du territoire ouest-breton et de l’économie maritime (poids encore important des activités de défense et plus largement du secteur public, différentiel de « rythme » entre recherche et activité productive privée…) constituent potentiellement un frein à l’émergence d’une véritable dynamique entrepreneuriale. Il apparaît dès lors nécessaire d’inventer de nouvelles formes et cadres de coopérations entre acteurs, afin de tirer pleinement parti « économiquement » de cette performance de la recherche marine locale sur le plan purement scientifique.