Née à Paris en 1899 dans une famille originaire du Berry, Suzanne Candré-Creston n’a aucune ascendance bretonne, mais ne s’est pas moins engagée pour promouvoir des arts décoratifs à la fois bretons, modernes, et populaires. Aux côtés de son mari René-Yves Creston qu’elle épouse en 1921, elle participe à la fondation de la fraternité artistique des Seiz Breur en automne 1923. La jeune femme se consacre avec ferveur à la conception d’un motif d’étoffe imprimée et de faïences exécutées par Henriot, pour l’espace occupé par le groupe à l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925. Pendant plus de dix ans, elle prend part à la destinée des Seiz Breur, surtout par des essais ou des esquisses.
Mais la jeune artiste se forge également une voie propre, qui la place aux avant-postes de la rénovation des arts appliqués. Elle rompt radicalement avec le surplus de décor auquel le régionalisme était artistiquement identifié, se détourne des poncifs du « petit Breton » sculpté en bragoù bras et chapeau, mais aussi des hermines et des triskells. À l’inverse, elle ne cesse de valoriser des combinaisons de formes et de couleurs qu’elle agence en géométries rythmées. Dans ses « services de table populaires » en faïence, elle privilégie la répétition de lignes dynamiques en noir et bleu outremer, parfois de lignes bleu et jaune (allusion aux couleurs bretonnes de la mer et des fleurs d’ajoncs).
Dans ses essais de pots de cuisine, elle supprime les arrondis et le lettrage y devient le véritable motif ; son asymétrie fait écho à l’enseignement du Bauhaus, l’école d’architecture et d’arts appliqués allemande qui, depuis 1919, dispense des formes artistiques d’avant-garde. Pareille envie de les faire connaître en Bretagne l’anime lorsque, entre 1923 et 1931, elle conçoit des projets d’étoffes imprimées, également instruits de l’art de Sonia Delaunay. Elle y agence des motifs répétitifs en jouant de leur accumulation, de leur densité et de leur contraste de couleurs qui les magnifient et engendrent parfois le mouvement.
C’est encore la même culture de l’art de son temps qui transparaît dans ses projets de scénographies pour le théâtre en langue bretonne qu’elle étudie en 1927, pour le Cercle celtique de Paris.
Dans le cadre d’un atelier émanant des Seiz Breur appelé Nadoziou (les aiguilles), elle s’essaie à des motifs de festons brodés pour du linge de table et à des chiffres (entrelacs d’initiales), pour lesquels elle fusionne de solides formes pleines qu’elle destine à des blouses, des couvre-livres ou des sacs à main. Elle s’attache aussi à renouveler l’ornementation des costumes de Quimper, de Quimperlé, d’Elliant et d’Ergué-Gabéric et plaide sans relâche, mais en vain, pour l’édition d’une page ou d’un journal des modes bretonnes.
À la suite de son divorce en 1945, elle interrompt ses projets. Face à l’incompréhension des fabricants qui, hormis Henriot, l’ont généralement dédaignée, elle se retire auprès de sa sœur à Ménétréol-sous-Sancerre, cesse de créer, et décède en 1979.