Si les termes « panceltique » ou « celtique » sont majoritairement utilisés au début du XXe siècle pour qualifier différents événements, celui d’« interceltique » émerge dans les années 1920 avant de s’imposer après la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi qu’en août 1927, à Riec-sur-Belon, se tient le premier festival qualifié d’interceltique. Il est organisé à l’initiative du Consortium breton, une organisation régionaliste éditant une revue éponyme. Ses deux principaux animateurs en étaient le druide Taldir Jaffrennou et un industriel local, Jean de Saisy de Kerampuil. Quelques mois plus tôt, au printemps, ils avaient fait partie d’une délégation bretonne ayant visité les îles Britanniques pour y nouer des contacts politiques, culturels ou économiques. Kerampuil voulait ainsi s’inspirer des Irlandais pour produire de l’électricité à partir de la tourbe des monts d’Arrée.
Le festival débute le 19 août, avec l’accueil des membres des délégations écossaise, cornique, manxoise, irlandaise, mais également occitane, canadienne et flamande. Soit environ cent cinquante personnes qui vont défiler dans les rues de Riec pour une grande parade. « En tête marchent les bagpipers d’Écosse, précédant leur délégation, peut-on lire dans Le Consortium breton. Suivis à quelque distance par les groupes de binious bretons de Riec, Bannalec, Pont-Aven, Carhaix, Saint-Thois, etc. Puis viennent quinze magnifiques bannières armoriées des anciens pays de Bretagne, prêtées par l’Union régionaliste bretonne. Les délégations d’Irlande, de Galles et de Cornwall suivent… »
Festival Inter-Celtique de RIEC-sur-BELON - Le Groupe des Bag-Pipers et la Délégation Ecossaise, VILLARD Joseph-Marie, Musée Départemental Breton
L’organisation du festival repose aussi sur le Gorsedd des druides de Bretagne, dont Taldir a été l’un des créateurs, qui est alors en pleine renaissance. Les druides organisent une grande cérémonie sur la lande de Kerco, où ont été construits un cromlech mégalithique moderne avec cinq menhirs. Le Consortium breton nous apprend qu’ils ont « la forme de troncs de cône et sont bâtis en moellons massifs, recouverts d’un crépi de ciment orné de cannelures longitudinales ». En dessous de cet étonnant monument ont été enterrées des bouteilles contenant une profession de foi interceltique, rédigée en breton, français et gaélique.
Après les cérémonies druidiques, un grand banquet réunit plus de deux mille convives. L’après-midi, plus de trente mille personnes, selon les organisateurs, se pressent sur la colline de Kerco. Ils assistent à des jeux athlétiques et à un grand tournoi de gouren qui oppose des lutteurs bretons et corniques. Ils peuvent également suivre ou participer à des concours de gavotte et de « danses au biniou ». La musique celtique est également bien présente. Les spectateurs font un triomphe aux joueurs de cornemuses et aux danseurs écossais. Le chœur des chanteuses galloises, en costume traditionnel, est aussi ovationné.
Festival Inter-Celtique de RIEC-sur-BELON - La Déléguation du Pays de Galles, VILLARD Joseph-Marie, Musée Départemental Breton
Ce premier festival interceltique se poursuit le lendemain, dimanche 20 août 1927, dans la même ambiance conviviale. Même si elle n’a pas eu l’ampleur du Fil actuel, la manifestation de Riec apparaît comme précurseur. Les cérémonies néodruidiques en moins, elle réunit les ingrédients qui ont fait le succès de l’interceltisme contemporain : ambiance festive, mélange des différentes musiques celtiques et rencontres internationales. Ce premier festival interceltique n’aura pas de suites immédiates, mais dans les années 1930, en marge des cérémonies du Gorsedd, sont régulièrement organisées des « fêtes celtiques » avec accueil de délégués et d’artistes étrangers.