Bien qu’il existe d’autres spécialités régionales qui portent le nom de far, en Auvergne, en Savoie ou dans le Poitou –mais elles sont différentes-, le mot far, dans les dictionnaires, fait toujours référence à une préparation sucrée cuite au four, faite en Bretagne. En Bretagne, le mot far ou farz en breton désigne des préparations diverses. Ce sont principalement le far en sac connu sous le nom de kig-ha-farz et le far au four, farz-forn en breton.
Le far en sac
Dans ce dernier cas, la cuisson dans l’eau bouillante d’une pâte de blé noir mise dans un tissu ou une vieille manche ne nécessitait ni four, ni combustible de grande qualité. Cette technique de cuisson s’apparente à celle du pudding britannique auquel les voyageurs du XVIIIe siècle le comparaient. Des témoignages écrits de militaires en garnison en Bretagne le décrivent comme un pain mou et mal cuit.
Le kig-ha-farz et le far-four apparaissent au XIXe siècle
Les progrès techniques de l’agriculture au XIXe siècle permettent de produire des céréales, en particulier du seigle. La construction des fours n’est plus réservée aux riches. Les habitants des villages peuvent désormais cuire le pain nécessaire aux familles. La cuisson en sac se maintient dans différentes régions qui restent pauvres, comme les îles du pays de Vannes, sous le nom de Chumpot ou Kouign-pod ou en Brière sous le nom de Groux. Dans le pays de Léon, le kig-ha-farz devient au contraire emblématique du développement et de la réussite de la culture maraîchère. La cuisson avec des légumes et de la viande en fait un plat complet. Le sac à far est roulé afin d’émietter la pâte et faire une sorte de semoule. La viande et le far constituent le repas du dimanche midi. Ce qui reste est mangé ensuite, frit ou dans la soupe.
L’augmentation des surfaces exploitées rend nécessaire d’embaucher des salariés et journaliers pour les grands travaux. Pour attirer les ouvriers les meilleurs et les plus rapides, on fait appel à leur gourmandise. C’est alors qu’apparaît le far-four. Comme les grands travaux ont lieu en période chaude, les vaches fournissent un lait abondant et les poules, les œufs nécessaires. La cuisson se fait avec la chaleur résiduelle du four lorsqu’on a retiré le pain. Pour exprimer sa générosité et consolider sa réputation de cuisinière, la maîtresse de maison peut y ajouter des pruneaux ou de l’alcool.
Et encore d’autres types de fars
Le mot far ou farz désigne d’autres préparations, le plus souvent occasionnelles et souvent limitées à un territoire. Citons par exemple le far au sang, farz gwad, dont la pâte était teintée de sang quand on tuait le cochon dans l’île d’Ouessant. Le far du petit veau, farz al leue bihan, était préparé avec le colostrum de la vache qui venait de vêler. Le far pitilig ou farz buan, far rapide, était préparé dans l’urgence en versant la pâte liquide sur la plaque à crêpe, puis en tournant avec une cuiller de bois de manière à obtenir un sable grossier.
Des recettes qui s’adaptent au XXe siècle
Dès la fin du XIXe siècle, le far au four obtenait ses lettres de noblesse comme dessert par le biais des jeunes filles placées comme domestiques à Paris ou dans les villes françaises. Dans les centres urbains elles avaient accès à tous les produits nécessaires pour réaliser facilement ce gâteau.
Le kig-ha-farz a longtemps été une recette spécifique du Nord-Finistère. Ce n’est que dans les années 1960 que les associations de Bretons de Paris allaient organiser autour de cette recette familiale des grands repas amicaux destinés à collecter des fonds pour des causes diverses. Améliorée, elle associait far de blé noir et far de froment, viande de bœuf et viande de porc, le tout largement arrosé de beurre fondu. L’originalité et la convivialité qui l’entourait allaient faire de cette recette un plat régional.
Les fars, tant sous la forme de desserts que de plats complets, sont devenus des recettes emblématiques de la Bretagne, dans les cuisines familiale, de collectivité, ou même gastronomique.