L’engagement des collectivités pour une agriculture multifonctionnelle

Autrice : Naïla Bedrani / novembre 2023

La marginalisation des activités agricoles insulaires au cours du XXe siècle a permis aux collectivités locales de prendre conscience, parfois très tôt, de l’importance de leur rôle pour le développement local, au-delà de leur fonction principale de production alimentaire. Dans les îles, soutenir l’agriculture, c’est d’abord lutter contre l’enfrichement excessif des paysages. C’est aussi maintenir des emplois et contribuer à limiter la déprise démographique. Dans les années 1950, à Groix, faute de candidats insulaires, la commune soutient l’implantation de cinq agriculteurs céréaliers du continent. En 1973, à Houat, une coopérative d’élevage ovin voit le jour et se maintient pendant six ans. À Ouessant, au milieu des années 1970, avec l’investissement du parc naturel régional d’Armorique, on s’efforce pendant plusieurs décennies de faire revivre l’agriculture locale, vivrière et professionnelle. Ces initiatives, en avance pour l’époque, peinent à se pérenniser face à une réception mitigée des populations insulaires et une incompatibilité avec des marchés agricoles standardisés tirant les prix au plus bas.

Au tournant des années 1990 à 2000, les activités agricoles sont plébiscitées pour des raisons complémentaires : diversifier l’économie locale et l’offre touristique, proposer des produits locaux en circuits courts, maintenir une biodiversité souvent remarquable et propre aux milieux ouverts, lutter contre le risque incendie, faire venir des actifs et leurs familles à l’année (parfois le maintien de l’école en dépend), créer du lien social, etc. Plus récemment encore, la question de la résilience alimentaire des îles et de la dépendance à l’approvisionnement continental est discutée. Pour développer les activités agricoles et profiter de leurs bienfaits, des collectivités ont alors mis en œuvre des programmes d’actions de développement agricole durable et plus récemment des Projets alimentaires territoriaux (PAT). C’est notamment le cas des îles de Bréhat, Belle-Île-en-Mer, Yeu, Noirmoutier, Ré et Oléron. Ces programmes et projets comportent tout un panel d’actions pour agir « de la fourche à la fourchette », autrement dit du producteur au consommateur. De plus, certaines collectivités ont aussi mis en place des infrastructures agricoles en propriété communale ou semi-publique (Ré, Arz, Ouessant, Yeu, Aix), ce qui facilite l’installation et permet de garantir la vocation agricole des infrastructures au-delà de la carrière des exploitants.

Qu’elles soient composées de professionnels, de citoyens ou les deux, il faut souligner que les associations sont bien souvent des précurseurs et des partenaires incontournables des collectivités dans ces projets de soutien et de relance des activités agricoles insulaires.

 

CITER CET ARTICLE

Autrice : Naïla Bedrani, « L’engagement des collectivités pour une agriculture multifonctionnelle », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 7/11/2023.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/l-engagement-des-collectivites-pour-une-agriculture-multifonctionnelle

BIBLIOGRAPHIE

  • Hourcade R., Landré A., Bedrani N, « Développement de l’agriculture insulaire et conservation environnementale : des politiques publiques entre divergence et conciliation », Colloque « ÎLES 2019 », Université de Bretagne Occidentale, octobre 2019, Brest, France.
  • Brigand L., Fichaut B., Le Démézet M., Les changements écologiques, économiques et sociologiques dans les îles du Ponant. Les cas de Batz, Ouessant et Groix, Brest, Université de Bretagne Occidentale, Institut de Géoarchitecture, 1986.
  • Landré A., « L’agriculture, problème ou solution pour l’avenir des îles ? », SESAME, 8 juillet 2022. Blog de la revue SESAME de l'INRAE. https://revue-sesame-inrae.fr/territoires-du-littoral-lagriculture-probleme-ou-solution-pour-lavenir-des-iles/

 

Proposé par : Bretagne Culture Diversité