La migration bretonne liée à la conquête de l’Angleterre de 1066

Auteur : Michel Brand'Honneur / novembre 2016
Guillaume, duc des Normands, aidé par un important contingent de Bretons, accède, après sa victoire à la bataille de Hastings de 1066, au titre de roi des Anglais. De 1066 à 1135 environ, lui et ses successeurs attirent en Angleterre des chevaliers bretons qui viennent renforcer les rangs de leurs fidèles. Ceux-ci, issus de la petite et moyenne aristocratie, proviennent du nord-est de la Bretagne. S’installant définitivement en Angleterre, ils s’intègrent rapidement à la noblesse normande et anglo-saxonne.

Forte présence bretonne à la bataille de Hastings

Harold est désigné en 1066 roi des Anglais après la mort d’Édouard le Confesseur. Mais deux autres princes prétendent succéder au trône : Harald, roi de Norvège, et Guillaume, duc de Normandie. Le premier, débarquant le 18 septembre 1066 près de York, est battu et tué par Harold. Le second, Guillaume, accoste au sud-est de l’Angleterre les 28 et 29 septembre. Aussitôt, Harold arrive à marche forcée. Les deux armées s’affrontent le 14 octobre à Hastings. Celle de Guillaume est composée de trois corps : au centre les Normands, à droite les Français et les Flamands et à gauche les Bretons. Après une longue bataille où les Bretons prennent momentanément la fuite, le duc Guillaume finit par vaincre. Harold est tué.

La première vague de migrants

Si aucun nom de Bretons de Hastings n’est connu, il est probable que Raoul l’Anglais et les deux fils d’Eudes (frère d’Alain III duc des Bretons), Alain le Roux et Brient, ainsi que leurs hommes, ont participé à la bataille. Certains sont dotés des terres des vaincus. Ainsi, Brient se serait installé dans le sud-ouest de l’Angleterre. Du moins, il y repousse une tentative d’invasion dirigée par les fils du défunt roi Harold en 1069. Toutefois, Guillaume le Conquérant ne déstructure pas dans un premier temps l’aristocratie anglo-saxonne et préfère s’accorder avec elle.

L’honneur de Richmond à la fin du XIVe siècle, celui-ci est composé d’un territoire compact au nord et de multiples domaines à l’est de l’Angleterre.

Le temps des révoltes et la seconde vague de recrutement

Mais dès 1067, les Anglo-Saxons se révoltent contre Guillaume. Celui-ci les mate souvent impitoyablement et les remplace par des migrants. Ainsi, la révolte avortée du fils de Raoul l’Anglais, Raoul de Gaël, en 1075, entraîne son exil en Bretagne. Ses terres anglaises, devenues vacantes, sont alors attribuées à Hugues d’Avranches, comte de Chester. Ce dernier y installe des vassaux, tel Guihénoc fils de Caradoc de La Boussac (près de Dol). De même, la déchéance d’Edwin comte de Mercia après sa révolte de 1070 profite à Alain le Roux qui prend ainsi pied dans ce qui deviendra le comté de Richmond.

De nouveaux Bretons sous Henri Ier (1100-1135)

Henri Ier, fils cadet de Guillaume le Conquérant, réussit à s’imposer sur ses frères en devenant roi d’Angleterre en 1100 et duc de Normandie en 1106. Dès son accession au trône d’Angleterre, il recrute de nouveaux hommes dans ses réseaux bretons. Ainsi, Alain, frère du sénéchal de Dol, ou Guillaume d’Aubigné (au nord de Rennes) sont intégrés dans son administration. Après 1116, Henri recrute des Bretons liés à l’entourage d’Étienne, comte de Bretagne et de Richmond et frère d’Alain le Roux († en 1093). Ces hommes sont originaires de la région de Lamballe.

Estimation quantitative de la migration

Ainsi, l’année 1066 est marquée par le début d’une migration de Bretons en Angleterre se poursuivant jusque dans les années 1130. On estime que les Anglais descendant des Bretons représenteraient environ 5 % des propriétaires nobles d’Angleterre ce qui pourrait correspondre aux 250 chevaliers d’origine bretonne cités dans la Grande Charte de 1166. Toutefois, les Bretons avaient des liens avec les Anglo-Saxons avant Hastings comme l’illustre Raoul l’Anglais possessionné en Angleterre et en Bretagne avant 1066.

Profil et devenir des migrants

Les migrants bretons sont avant tout issus des régions sous influence normande ou des Eudonides, c’est-à-dire des territoires de Fougères, Dol-Combourg, Dinan et Lamballe. Ils appartiennent à la petite ou moyenne aristocratie ou sont des fils naturels ou cadets de grandes familles, telles celles des Dinan, Fougères ou Vitré. Ils forment principalement deux groupes, installés, d’une part, au nord et à l’est, et, d’autre part, au sud et à l’ouest de l’Angleterre.

La très grande majorité de ces migrants s’installe définitivement en Angleterre. Ils se marient, dès la première génération, avec l’aristocratie normande et anglo-saxonne et perdent, semble-t-il rapidement, leur lien avec leurs parents de Bretagne.

La fidélité indéfectible au roi d’Angleterre permet à certains migrants et à leurs descendants d’avoir une meilleure place dans la société que leurs parents restés en Bretagne. Ainsi, Guihénoc fils de Caradoc est à la tête de la seigneurie châtelaine de Monmouth alors que la branche bretonne ne dépasse pas le niveau de la petite seigneurie de village. Citons encore la promotion, certes exceptionnelle, d’Alain frère du sénéchal de Dol : il est l’ancêtre des Stuarts qui furent rois d’Écosse et d’Angleterre.

La tour-porte du château de Richmond - Dylan Moore 2009 CC BY-SA 3.0

CITER CET ARTICLE

Auteur : Michel Brand'Honneur, « La migration bretonne liée à la conquête de l’Angleterre de 1066 », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 22/11/2016.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/la-migration-bretonne-liee-a-la-conquete-de-l-angleterre-de-1066

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité