Le cairn de Barnenez : un tombeau pour l’éternité

Auteur : Yannick Lecerf / novembre 2016
Structure emblématique du mégalithisme de la façade atlantique le grand cairn de Barnenez situé sur la presqu’île de Kerneléhen en Plouézoc’h (Finistère) doit sa notoriété autant aux conditions désastreuses de sa découverte que par l’intérêt qu’il représente pour la séquence Néolithique.

Un contexte favorable

Pour comprendre cette architecture, son évolution et les critères ayant présidé au choix du lieu de son implantation, il est indispensable d’accepter une brève remontée dans les temps préhistoriques.
Sur une séquence de 400 000 ans du Paléolithique au Mésolithique, les cultures sont passées de l’errance au nomadisme réfléchi.

Contraints par l’élevage et l’agriculture, les hommes du Néolithique se fixent sur un secteur géographique marqué par des lignes topographiques, géologiques et hydrologiques. Ce territoire identifié se partage selon des critères spécifiques en zones distinctes. Situé dans les vallées, l’espace de vie n’est jamais éloigné d’un point d’eau. Sur les points élevés se dressent les monuments funéraires. Placés sur les versants sud, légèrement sous la ligne de crête de plateaux, des groupes de pierres levées marquent le paysage.

A l’aide de la hache emmanchée d’une pierre polie, de l’herminette et d’autres outils aratoires, l’homme ouvre et façonne son territoire. Une productivité suffisante lui laisse assez de temps pour entreprendre les grandes constructions mégalithiques qui identifieront et marqueront durablement sa présence. Cette architecture de pierre développée durant près de 3000 ans bénéficiera de plusieurs évolutions marquant les différentes phases de la séquence néolithique.

Une œuvre monumentale

Les premiers temps de la sédentarisation sont marqués par une architecture mégalithique imprégnée du gigantisme. Comme pour le levage des grands menhirs, le funéraire influencé par cette mode se dote d’une série de grandes réalisations dont la présence reste très remarquée sur le littoral armoricain.

Erigé sur le promontoire de Kerneléhen le cairn actuel était à l’origine accompagné d’un monument dont les dimensions plus modestes n’ont pas résistées aux engins mécaniques d’un carrier. En effet, ces deux monuments furent largement entamés voire détruits pour servir la construction de la route touristique de Térenez.

Le grand cairn, aujourd’hui en partie restauré, s’étale sur une longueur de près de 70 m pour une largeur maximum de 25 m. Afin de ne pas trop s’écarter de l’architecture originelle, la restauration à limité la hauteur à 8,00m.

Vue partielle du Cairn. Photo J. Floury

Un mausolée complexe

Les études archéologiques ont montré deux stades distincts de construction. Un premier cairn comprenant cinq chambres funéraires desservies chacune par un couloir forme une masse tenue par un double parement de pierres sèches complétée par quelques contreforts. La chambre centrale est précédée d’une antichambre. Les parois de cet espace et de son couloir sont constituées de grandes dalles de granite entre lesquelles s’imbrique une maçonnerie de moellons montés à sec. Les autres espaces funéraires de forme sub-circulaire sont couverts par une construction dite de fausse coupole. Leur construction ainsi que leur couloir respectif sont montées en petit appareillage de granite.

Entrée de chambre. Florent Ls - Wikimedia
Deux chambres se distinguent par des ornementations gravées. Quatre dalles de la chambre centrale sont ornées de gravures représentant des haches polies, de quelques signes cornus et d’outils en forme de crosse. On peut y voir des lignes serpentiformes pour lesquelles on s’interroge aujourd’hui sur la réalité d’une coloration. Le pilier gauche séparant l’espace funéraire de son vestibule est également orné d’un arc et de trois haches de pierre polie. L’une d’elles est surmontée d’une crosse schématisée. Dans l’entrée de la chambre la plus à l’est, la première dalle de couverture porte une figure en écusson complétée par une extension chevelue. La position anachronique de cette gravure semble vouloir dénoncer la présence d’un orthostat de réemploi. L’entrée de l’une des deux tombes les plus à l’ouest se trouvait matérialisée par la présence d’une dalle anthropomorphe détruite par le vandalisme dès sa mise au jour.

Une architecture savante

Confrontés à une pente accentuée du terrain, les constructeurs du cairn secondaire, (entre 4 500 ans et 3 900 ans avant J.C.) ont dû recourir à divers artifices architecturaux pour assurer la solidité de leur réalisation. La multiplication des contreforts parementés allègent l’ensemble du monument. Là encore la masse de cette adjonction protège six chambres dont quatre de forme circulaire utilisent la construction dite en "Tholos". La technique de construction des deux galeries les plus à l’est ne diffère pas de celle des tombes du cairn primaire. Elles sont montées en moellons placés sans aucun liant. Les deux suivantes gardent ce procédé de construction avec comme variante pour l’une l’adjonction de dalles plantées contre la paroi de la chambre funéraire.

La cinquième tombe et son couloir amorce une évolution dans la construction funéraire en mettant en œuvre une série de grandes dalles de granite. Cette évolution architecturale se trouve confirmée dans l’aménagement de la sixième sépulture située la plus à l’ouest. Avec leur couloir respectif, ces deux tombes amorcent une technique architecturale qui évoluera plus tard vers les sépultures du type "allée couverte".

Le premier pilier droit du couloir d’entrée de la chambre ouest porte une série de signes en U dont la signification reste une énigme.

Allée couverte du Mougau (Commana, Finistère). Photo SDAP Finistère.

Un collectif au service d’une élite

Considéré comme sépulture collective, ce type de monument dont les marques d’utilisation s’étalent sur plusieurs millénaires, ne peut avoir été ouvert à toutes les classes de la population concernée. Il faut donc admettre qu’il s’agit là d’un tombeau réservé à une élite. Alors quel sort était celui des autres individus ?

Le gigantisme de ce type d’architecture implique une société parfaitement structurée suffisamment productive pour libérer une importante main d’œuvre nécessaire à cette construction. Le volume des matériaux, la manutention des dalles débitées d’un affleurement situé à un kilomètre affirment une série d’actions réfléchies et programmées où l’intérêt collectif est le seul garant de réussite.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Yannick Lecerf, « Le cairn de Barnenez : un tombeau pour l’éternité », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 21/11/2016.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/le-cairn-de-barnenez-un-tombeau-pour-leternite

Bibliographie

  • COLLECTIF, Toute l’histoire de Bretagne, Jacques Briard et Yannick Le Cerf : La préhistoire de la Bretagne, Skol Vreizh, 2012 (réédition)
  • GIOT Pierre-Roland, Barnenez, Carn, Guennoc, Université de Rennes I, 1987
  • LECERF Yannick : les peuplements; des origines à la conquête romaine, Skol Vreizh (à paraître).
  • LE ROUX Charles-Tanguy / LECERF Yannick, Le grand Cairn de Barnenez, Mausolée néolithique, Monum, ed. du patrimoine, coll. « Itinéraires du patrimoine », 2003
  • BRIARD Jacques, Barnenez, Paris, Gisserot, 2000, 16 p.
  • BRIARD Jacques, « Barnenez », Dictionnaire du patrimoine, Ed. Apogée, 2000, p. 113-114

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