« C’était plus animé au comice de Pouldreuzic » : c’est par ces mots, à en croire le journal Le Finistère du 22 août 1874, qu’un cultivateur aurait jugé les festivités organisées à Quimper à l’occasion de la visite du président de la République, le maréchal de Mac-Mahon. Même si le propos est sans doute exagéré, il dit bien l’importance prise par ces fêtes dans la Bretagne du xixe siècle.
Limitées à quelques dizaines de personnes dans les années 1830-1840, elles prennent une nouvelle ampleur à compter des années 1850. En Ille-et-Vilaine, Charles Chevalier de La Teillais, professeur départemental d’agriculture, suggère alors d’organiser « une fête agricole aussi brillante que possible », de l’annoncer « par tous les moyens de publicité possible », de ne pas craindre les dépenses telles que « tambours, estrade, ruban », d’y associer enfin « un banquet agricole par souscriptions et à un prix très modique, où tous les lauréats pourront venir s’asseoir à côté des membres du comice ». Pour permettre au comice de tenir son rôle pédagogique, il lui faut en effet attirer le plus grand nombre possible de ruraux, de ces ruraux modestes qui n’ont d’autres sources d’information que celle-ci.
Musique militaire, défilé des pompiers, de la garde nationale à l’occasion, estrades ornées, jeux, feu d’artifices, banquets enfin et surtout : c’est aussi cela qui fait le succès de la fête du comice qui chaque année, en septembre ou en octobre, devient le lieu de la sociabilité cantonale, une occasion pour les notables de voir et de donner à voir, lieu de rêve et d’aventure, pour Emma Bovary comme pour tant d’autres.
Le succès de ces fêtes est d’ailleurs attesté, indirectement, par les dénonciations du clergé. En 1860-1861, les recteurs de Saint-Grégoire et Saint-Gilles, près de Rennes, dénoncent, aux côtés du cabaret, les excès de la fête du comice : « véritable assemblée et véritable spectacle », il s’agit aussi et surtout du lieu où « la jeunesse des deux sexes est réunie en grand nombre » et « y demeure jusqu’après les feux d’artifices ». « Il faudrait », conclut l’un des ecclésiastiques, « que la nature fut immaculée dans son origine pour qu’il n’en résultat aucune excitation mauvaise et aucune immoralité »...