Typologie des halles ou cohues
En Bretagne, le terme « cohue » est couramment utilisé pour désigner la « halle ». Étymologiquement, ce mot résulte sans doute de la francisation du breton koc’hu qui qualifie ces marchés couverts.
Les rares exemples de halles ou cohues épargnées par les destructions (Questembert, Le Faouët, Plouescat, Clisson) montrent tous une conception similaire, caractérisée par un large vaisseau central accosté de bas-côtés ouverts pour permettre l’aération. Tous les grands édifices aujourd’hui disparus (Rennes, Saint-Méen-le-Grand, Lamballe) ainsi que des constructions beaucoup plus modestes (Pont-l’Abbé, Guémené-sur-Scorff, La Chèze, Pornic) reproduisent ce modèle entièrement en bois. La nef centrale est réservée à la circulation des chalands, les collatéraux aux marchands. Les piliers délimitent ainsi des « cellules » commerciales. Les marchandises s’exposent sur des étaux mobiles dressés à chaque marché et sur des étagères fixées contre les poteaux. Le sol, laissé en terre battue, est simplement dressé pour faciliter l’écoulement des rejets liquides provenant de la découpe de certaines denrées alimentaires (viandes, poissons...).
Les halles, véritable centre commercial
Les halles communes abritent plusieurs corporations de marchands dont les activités ne sont pas nécessairement liées aux métiers de bouche. À Bain-de-Bretagne, le côté sud des halles abrite les bouchers et le nord les marchands de grains. À Guingamp, au milieu du xve siècle, on signale la présence d’étaux de bouchers, poissonniers, boulangers et saulniers (marchands de sel), mais également de cardeurs et de drapiers. À Lamballe, en 1674, cent onze marchands représentant dix métiers sont regroupés les jours de marché sous les halles de la place du Grand-Martray : toiliers, drapiers, merciers, tanneurs, ferronniers, cordonniers, boulangers, bouchers, regrattiers (revendeurs au détail de diverses denrées) et rousiniers (résiniers). Certains seigneurs obtiennent l’autorisation de construire plusieurs halles, dans ce cas chaque édifice tend à se spécialiser. Par exemple, à Dol-de-Bretagne existaient jusqu’en 1794 trois halles spécifiques pour la vente du blé, de la viande et du poisson. Les sources d’archives mentionnent cependant clairement que sous chaque halle en principe spécialisée on trouvait de multiples denrées, comme à Rennes où le bâtiment destiné au sel abrite également la vente de gruau, de cuir, de laine et des matières grasses.
Les halles en bois, cinq siècles d’histoire
Les anciennes halles en bois connaissent dès la fin du xviiie siècle des fortunes diverses. D’un entretien coûteux (réfection des couvertures), beaucoup de bâtisses se trouvent alors en ruine (Dinan, Châtelaudren, Hennebont). Certaines menacent de s’effondrer et doivent être démolies. D’autres sont détruites pendant la Révolution pour des raisons politiques, les halles symbolisant le pouvoir seigneurial : le droit de vendre sous les halles est payant et la redevance fixée selon le bon vouloir du seigneur propriétaire. De plus, dans de nombreuses cités, les halles abritent en bout (Dol-de-Bretagne) ou sous les combles (Auray, Guingamp) l’auditoire, salle où se rend la justice seigneuriale. Certaines d’entre elles renferment même la prison (Gaël). Enfin le gibet, dressé sur les places de marché (Morlaix, Rennes), leur est souvent associé.
La Révolution marque de fait l’abandon de ces modèles de grande charpenterie en bois. Leur état sanitaire souvent déplorable fournit alors aux hygiénistes de nombreux arguments pour réclamer leur destruction. En 1838, la sous-préfecture de Pontivy précise par exemple que les Halles aux Toiles de la ville « privées d’air et asservies à recevoir plusieurs égouts présentent un foyer d’infection dont le danger a été signalé dans tous les cours d’épidémie... ». Le développement de l’automobile contribue également à leur disparition ; de nombreux édifices sont démolis pour créer des places de stationnement dans les centres-villes et permettre l’élargissement des voies de circulation (Moncontour, Pont-l’Abbé, Huelgoat).
Au cours du XIXe siècle, les marchés couverts en pan-de-fer remplacent partout les anciennes constructions en bois et triomphent à Paris sous l’impulsion de l’architecte Victor Baltard. Dans la première moitié du xxe siècle, le ministère des Beaux-Arts tente à plusieurs reprises, mais sans succès, d’empêcher la démolition des vieilles halles en bois (Pontivy, Bain-de-Bretagne). Les derniers modèles de cette grande charpenterie sont depuis protégés au titre des Monuments historiques.