Les territoires de proximité : les bassins de vie
Définir les bassins de vie
La Bretagne est première en France pour l’importance singulière des « bassins de vie ».
L’INSEE les définit comme des territoires où les habitants disposent de l’ensemble des aménités de rang 1, c’est-à-dire qu’ils ont « à la fois accès aux équipements, aux commerces, aux services (santé, collège, lycée, loisirs) et à l’emploi ». Il s’agit donc « des plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants1 » . Pour simplifier, on peut les envisager comme les territoires de la vie quotidienne.
- 1. La méthodologie détaillée de la définition est donnée sur le site suivant : http://www.insee.fr/fr/methodes/zonages/bassins-vie-2012-methodo.pdf
Trois singularités bretonnes
Sur ce sujet, la Bretagne présente une triple spécificité.
En France, elle est tout d’abord en tête pour le nombre de ces bassins (133 en Bretagne administrée et 31 en Loire-Atlantique, soit 164). Comme le montre la carte, ces derniers ont ensuite la particularité d’être concentrés, puisqu’ils occupent une surface moyenne de 204 km2 (236 en Loire-Atlantique) contre près du double en France (380 km2). Enfin, ces bassins sont essentiellement ruraux (138 sur 164) et regroupent 54 % de la population en Bretagne administrative et 39 % de la population en Loire-Atlantique.
Malgré l’existence de métropoles dont la taille augmente (Nantes, Rennes, Brest), cette originalité limite l’expansion de déserts démographiques. En effet, l’ensemble du territoire breton est maillé de villes de tailles diverses et d’autres formes d’habitats traditionnellement diffus (hameaux, manoirs ou fermes isolées , etc.)2 . Les 138 bassins ruraux bretons ont une densité de 76 habitants au kilomètre carré contre 41 en France.
- 2. Sur cet élément, on dispose notamment de l’ouvrage exceptionnel de Camille Vallaux qui était très difficilement trouvable mais a été numérisé : La Basse-Bretagne, étude de géographie humaine, éd. Cornely et Cie, Paris, 1905, 320 p. (rééd. Slatkine, Genève, 1980. Sa version numérique : https://archive.org/details/labassebretagne00vallgoog
Une multiplicité de bassins et d’agglomérations
Au-delà des métropoles, on observe ainsi une forte présence de villes moyennes (Ancenis, Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Lorient, Quimper, Vannes) ou plus petites (Douarnenez, Châteaubriant, Ploërmel, Loudéac, Châteaulin, Vitré, Dinan) proposant des emplois et services. Surtout, de multiples petites villes et des bourgs offrent aussi les services nécessaires à la vie quotidienne dans des territoires et bassins de plus faible densité (Pouancé, Derval, Pleyben, Rostrenen, Merdrignac, Gourin). En Bretagne, le nombre des bassins de vie est donc très lié à celui des villes petites et moyennes, voire des bourgs qui assurent différents services.
Des situations inégales
Ces bassins connaissent aujourd’hui des destins contrastés. D’un côté, ils souffrent d’une vision plaçant l’avenir dans les métropoles et fermant les services publics dans ces zones rurales sous couvert de « rentabilité » : ainsi, alors qu’il avait les meilleurs résultats en France, le tribunal administratif de Guingamp a été fermé sans plus de justification. De l’autre, malgré des difficultés locales, notamment dans le Centre-Bretagne, on constate la bonne santé d’ensemble de ces bassins ruraux. En Bretagne, leur croissance démographique est de + 1,3 % par an contre + 0,9 % en France. Sans doute est-ce précisément parce qu’ils assurent les services essentiels de la vie quotidienne et permettent aux ménages de bénéficier de davantage de services de proximités (écoles, commerces, etc.). Ainsi, le temps moyen de déplacement dans un bassin breton est de 11,6 minutes contre 13,6 minutes en France. Cette organisation polycentrique éloigne la Bretagne d’une organisation de type « Toulouse et le désert toulousain ». Pour l’instant, au lieu de concentrer l’essentiel des activités dans une seule métropole, cette originalité favorise une certaine équité d’accès et assure une forme de démocratie spatiale. En lien avec l’évolution démographique d’ensemble , on constate toutefois qu’ils connaissent des situations variées. Ils sont moins fragiles dans les espaces périurbains proches3. Les difficultés sont parfois plus marquées dans les zones situées au plus loin des villes, notamment en Bretagne centrale. Récemment (avril 2016), l’INSEE jugeait que la moitié des bassins de vie bretons (66 sur 133) étaient « fragiles4 » . L’organisation bretonne est donc pour lors très originale. Va-t-elle se maintenir ?
BIBLIOGRAPHIE
Bovi Hervé, Neveu-Chéramy Ludivine, « Fragilisation sociale des territoires : un phénomène à forte inertie et aux multiples facettes », INSEE, n° 37, avril 2016.
« Commerces, équipements et services structurent la Bretagne en 133 bassins de vie », Octant, n° 39, INSEE Bretagne, 2012.
Dajoux Sylvain, « Portrait social des bassins de vie bretons : moins de fragilités dans le périurbain proche », Octant Analyse n° 54, INSEE Bretagne, 2013.
Rouxel Michel, « Le zonage en bassins de vie », Octant, n° 98, INSEE Bretagne, juillet 2004, p. 21-26
Docteur en géographie il est professeur à l'Université de Rennes 2 et à l'Institut d'études politiques de Rennes. Spécialiste de l'aménagement du territoire et du développement régional, ses travaux de recherche portent plus particulièrement sur les transports et la Bretagne. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et de nombreux articles sur ces questions. Il préside également l'association Bretagne prospective-Breizh diawel.