Après plusieurs signaux d’alertes dans les années 1960 sur les menaces causées par les pollutions, à l’instar de la marée noire du Torrey Canyon en 1967, le début des années 1970 se caractérise par une prise de conscience environnementale qui dépasse largement les milieux scientifiques et militants. Le livre Les Limites à la croissance (dans un monde fini) (The Limits to Growth), rapport pour le club de Rome ou « Rapport Meadows », publié en 1972, est un premier cri d’alarme planétaire sur les conséquences écologiques de la croissance économique et démographique. Cette même année se tient à Stockholm la première conférence des Nations unies sur l’environnement, à l’origine du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), début de l’implication de la communauté internationale sur l’écologie.
Les pouvoirs publics aussi s’emparent de la question. En France, un ministère de la Protection de la nature et de l’environnement est mis en place en 1971, avec Robert Poujade pour premier titulaire. Le 25 mars 1972 se tiennent, en Bretagne, les États généraux de l’environnement, moment historique de prise en compte d’un problème public nouveau à l’échelle régionale.
Une politique de l’environnement
Ce jour-là, à Pontivy, les quatre conseils généraux de la Bretagne administrative se réunissent sous la présidence de Raymond Marcellin et René Pléven. L’objectif, après avoir débattu des rapports préparés par des groupes de travail consacrés au littoral, à l’aménagement rural, aux pollutions, aux ressources naturelles et au développement touristique, est « d’examiner les conditions d’amélioration du milieu de vie dans la perspective d’un développement harmonieux et équilibré de la Bretagne ». L’assemblée vote à l’unanimité une résolution, remise au ministre de l’Environnement, où les participants proclament notamment que :
« La priorité accordée par la Région au développement économique, en particulier à l’industrialisation et à la promotion de l’agriculture et du tourisme, exige, comme complément indissociable, une politique de l’environnement de nature à préserver la personnalité de la Bretagne. »
Les conseillers généraux réclament en conclusion un schéma général d’aménagement du littoral breton, prévoyant une zone dite de « tiers naturel » excluant tout aménagement destructeur de la nature en ménageant les possibilités d’activités traditionnelles. Il s’agit d’une vieille revendication de la Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne (SEPNB), mais les signataires la justifient avant tout par l’argument qu’« une sauvegarde dynamique de l’environnement contribue directement à l’expansion économique ».
Le Schéma d’aménagement du littoral breton et des îles (SALBI)
Suite à cette réunion est initié un projet de Schéma d’aménagement du littoral breton et des îles (SALBI). Il doit avoir pour objet d’organiser le développement et l’équipement équilibré de la zone côtière, en étroite concertation avec les collectivités locales. Un comité de direction est installé avec des représentants des départements bretons, Loire-Atlantique comprise, des chambres économiques de Bretagne et du CELIB. Une vaste concertation est mise en œuvre avec les municipalités, groupes socioprofessionnels et associations concernées. Terminé en 1977, et approuvé lors du Comité interministériel d’aménagement du territoire du 23 novembre 1977 au même moment que deux autres schémas similaires, le SALBI n’est pourtant jamais appliqué, échouant à être un véritable guide en matière de prise en compte des enjeux environnementaux dans l’aménagement du littoral breton.
Pour autant, le travail initié le 25 mars 1972 se révèle structurant sur la durée. Pour la première fois, les collectivités de Bretagne s’emparent directement de la question environnementale à l’échelle régionale. La revendication du "tiers sauvage" intègre le débat public et les représentations. L’idée sera d’ailleurs progressivement reprise à son compte par le Conservatoire du littoral à l’échelle française. Les problèmes liés à l’urbanisation du littoral et au trop grand nombre de maisons secondaires sur des territoires qui risquaient d’être dévitalisés une partie de l’année commencent également à entrer dans les problématiques politiques reconnues.
Le SALBI et les autres schémas d’aménagement du littoral vont déboucher à moyen terme (indirectement) d’une part sur la loi littoral de 1985, qui visait à la fois à protéger les espaces littoraux et à maîtriser l’urbanisation, d’autre part sur la Gestion intégrée des zones côtières (GIZC), démarche qui vise à partir des années 1990 à une gestion globale et à un développement durable des territoires littoraux. En Bretagne, l’héritier lointain du SALBI est la Charte des espaces côtiers bretons, adoptée en 2007 par la Région pour lutter contre la pression foncière et la spéculation immobilière sur le littoral. C’est donc un tout nouvel espace d’action publique qui s’est ouvert le 25 mars 1972.