L’art de tresser
La vannerie est l’art qui consiste à assembler des tiges flexibles en les tressant, pour obtenir des objets relativement rigides. C’est un art ancien, d’abord pratiqué au sein de groupes familiaux, puis artisanaux, par la spécialisation de membres de la communauté villageoise. La vannerie se pratique aussi à un échelon industriel, c’est-à-dire inséré dans l’économie de marché. Même à ce niveau, l’activité ne nécessite en général que peu d’outils. En Bretagne, toutes les pratiques existent : de la fabrication domestique à la spécialisation d’ateliers travaillant pour diverses industries. Les fabricants bretons se répartissent en plusieurs groupes techniques. Chaque groupe se distingue par sa façon d’agencer les ossatures, le mode de tressage, les outils utilisés, les positions de travail et par le matériau employé.
Une histoire de la vannerie ?
En deux mille ans d’histoire, peu de textes ont porté sur les vanniers. Rendons à César ce qui lui appartient. Celui-ci fait plusieurs fois allusion au savoir-faire vannier des Gaulois continentaux et des Bretons insulaires (La Guerre des Gaules, Livre II/33, Livre VI/16 et Commentaire sur la Guerre civile, Livre I/54). Les Romains ont diffusé leur type de vannerie caractérisée par un emploi de montants droits. Cependant, il semble que cette technique ne se soit pas véritablement implantée en Bretagne. De même, l’une des principales familles de techniques de vannerie en Europe — celle utilisant des montants courbés disposés en méridien – n’est vraiment pratiquée que dans la marge est de la Bretagne. L’extrémité de la péninsule armoricaine est un isolat en matière de vannerie et les groupes techniques actuels sont circonscrits dans des territoires correspondant relativement bien à ceux des cités gallo-romaines.
Au Moyen-Âge, la profession de vannier s’organise en corporation. En ce qui concerne le compagnonnage, la Cayenne de Nantes comprend des vanniers. En 1900, près d’un Français sur 1 000 pratique la vannerie de manière professionnelle. La production est constituée de séries de pièces normalisées, vendues en gros, principalement des emballages de toutes sortes dédiés à l’expédition des denrées. La région de Nantes, productrice d’osier, concentre alors de nombreux ateliers (jusqu’à 25). Ceux-ci fabriquent aussi de la vannerie pour la vie quotidienne : ameublement, puériculture, valises… Un modèle particulier de berceau était d’ailleurs connu comme berceau nantais ou berceau breton.
Le maraîchage a facilité le développement d’ateliers en Bretagne nord. Des corbeilles appelées mannequins sont utilisées pour les récoltes, d’autres corbeilles appelées malouins sont de grands emballages destinés à l’expédition des pommes de terre outre-Manche. Les ateliers dédiés à cette activité sont situés dans la région qui va de Dinan à Dol-de-Bretagne. À Plouénan, dans le Léon, le quartier de Ponthéon est renommé pour ses vanniers. L’agriculture demande des quantités importantes de vannerie pour la récolte, ainsi les vanniers de Rannée (Ille-et-Vilaine) fabriquent-ils des paniers et des resses pour le « serrage » (le ramassage) des pommes à cidre.
Les ports de pêche accueillent généralement un atelier voire plusieurs. Ainsi à Cancale, la grande pêche, l’exploitation de la baie du Mont-Saint-Michel et l’élevage des huîtres demandent des contenants robustes et nombreux. À Concarneau, les vanniers travaillent pour les pêcheurs, les conserveries, les ostréiculteurs, les mareyeurs, les particuliers… Leurs ateliers se regroupent près de la gare pour favoriser les expéditions.
La vannerie en Bretagne aujourd’hui
Après la Seconde Guerre mondiale, les emballages en peuplier ou en carton se sont généralisés. Le plastique remplace l’osier dans de nombreux usages. La fabrication de vannerie se déplace progressivement en Europe de l’Est et en Asie, où la main-d’œuvre est moins rémunérée. Mais les Trente Glorieuses offrent aux vanniers des opportunités d’emplois plus rentables.
Depuis les années 1970-1980, des vanniers, souvent formés à l’École nationale d’osiériculture et de vannerie (Fayl-Billot, Haute-Marne), s’installent dans des zones rurales. Ils sont rarement enfants de vanniers et n’utilisent qu’exceptionnellement les savoirs régionaux. Leur démarche est soit de type artisanat d’art, soit le résultat d’une recherche identitaire ou éthique. Ces artisans sont au nombre d’une quinzaine. Ils façonnent des pièces uniques, vendues à l’unité aux particuliers.
En milieu rural, la fabrication de vannerie traditionnelle est maintenant réalisée par des populations âgées. Des associations se créent dans des régions très actives culturellement, comme le pays de Redon ou le Léon. Elles permettent la diffusion de techniques et l’échange intergénérationnel dans un cadre divertissant. Cependant, petit à petit, elles s’éloignent de l’objectif de transmission pour rentrer dans une démarche de formation des membres, pratiquant dorénavant des techniques standard sans intérêt patrimonial dans le contexte breton.
La transmission des techniques spécifiques locales est donc fragilisée. Notons l’existence du festival de vannerie de Mayun (La Chapelle-des-Marais, Loire-Atlantique) qui participe à la reconnaissance et à la diffusion des pratiques traditionnelles. Ce village est renommé pour une vannerie fine caractéristique, réalisée en bourdaine.
Un patrimoine culturel immatériel
Les communautés maritimes et rurales ont demandé aux vanniers de produire des objets tressés correspondant à l’évolution des usages. Ces ustensiles constituent un aspect de l’identité de ces communautés. Outre les techniques et les usages, le patrimoine immatériel de la vannerie comprend un vocabulaire spécifique. Tout ceci fait de la vannerie en Bretagne un patrimoine immatériel complet. Le ministère de la Culture et de la Communication a offert une reconnaissance officielle à la vannerie bretonne sous la forme de son inscription à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel.