Quand le général de Gaulle reste à quai

Auteur : Erwan Le Gall / juin 2020

L’image que l’on a souvent du général de Gaulle est celle d’un homme que rien n’arrête ou presque : un individu qui ne s’en laisse pas conter et qui sait dire « Non ». Non à l’infâme armistice de 1940, non au retour à un régime parlementaire en 1946, non à l’embourbement dans la crise algérienne une fois revenu au pouvoir en 1958, non enfin à l’équilibre assuré exclusivement par les deux « super-grands » que sont les Etats-Unis et l’URSS pendant la Guerre froide. Pourtant, Charles de Gaulle n’en est pas moins un homme comme les autres, soumis aux aléas de la nature.

Lorsqu’il vient sur l’île de Sein en août 1946, le Général est à une période critique de sa carrière. Ne parvenant pas à imposer ses vues institutionnelles, il fait le pari, 6 mois plus tôt, de quitter la tête du Gouvernement provisoire de la République française. Le 16 juin 1946, il prononce à Bayeux un discours important dans lequel il expose ce que doit être, à ses yeux, l’organisation constitutionnelle de la France. Mais l’écho dans l’opinion publique est quasi nul et l’homme du 18 juin est réduit au silence. Remettre la Croix de la Libération à l’île de Sein à la fin du mois d’aôut 1946 lui permet donc d’une certaine manière d'effectuer sa rentrée politique et faire peser sa voix dans les débats du moment. Sauf que rien ne se passe comme prévu.

 

La frégate Surprise qui doit emmener le général de Gaulle et son épouse à Sein est en effet bloquée à Brest par un redoutable coup de vent, qui contraint à reporter la cérémonie. Les drapeaux tricolores et les fanions à croix de Lorraine arborés aux fenêtres, les guirlandes de fleurs et même l’Arc de triomphe en casiers devront attendre que le temps se calme. Du coup, le repas d’apparat qui avait été préparé pour l’occasion doit être consommé, ce qui fait dire au journaliste Jean-Pierre Vivet, dépêché sur place pour couvrir l’événement par le journal Combat, fondé dans la clandestinité par Henri Frenay, que les îliens ont « fait la noce sans les mariés ». Une fois arrivé à Sein, le général est accueilli, toujours selon ce quotidien, « par toute la population avec un enthousiasme indescriptible », mais « sous une pluie battante ». Heureusement, le vin d’honneur est servi à « l’Abri du marin », qui n’aura sans doute jamais mieux porté son nom qu’en ce jour.

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Auteur : Erwan Le Gall, « Quand le général de Gaulle reste à quai », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 4/06/2020.

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