Transports et mobilités dans la région

Yves Lebahy">

Une nouvelle géographie des mobilités

Dans cette logique polarisante et transactionnelle qui caractérise aujourd’hui nos économies, la mobilité des hommes et des biens constitue un aspect incontournable de l’organisation des espaces. Au nom d’une prétendue performance économique, ces derniers sont spécialisés dans des fonctions uniques : habitat, travail, loisirs, consommation. En résultent des interdépendances multiples entre les lieux, amplifiant les échanges, les transits, ce que l’on nomme les flux : dissociation entre lieux de vie et de travail (74 % des emplois sont hors de la commune de résidence), disparités d’accès au logement, aux services courants, migrations alternantes entre villes et campagnes, entre périurbanisation et métropoles ou villes-centre, migrations résidentielles et de loisirs. Une nouvelle géographie des axes, infrastructures, synapses (échangeurs routiers, gares, ports et aéroports) structure désormais nos territoires de vie, favorisant par son efficacité la mobilité et les échanges.

En Bretagne, région d’habitat traditionnellement dispersé, au réseau dense de villes petites ou moyennes (toutes inférieures à 50 000 h agglomérés) en lien avec leur territoire (villes-pays), mais où les effets métropolitains se font désormais sentir sur de larges portions du territoire, le nombre de ces échanges augmente. La moitié des actifs bretons parcourt en moyenne entre 10 et 40 km pour aller au travail, effectue 3,5 déplacements/jour contre 3,1 pour les autres Français. Si le maillage territorial particulièrement dense facilite ces déplacements, ils s’opèrent par contre essentiellement en voiture particulière (72 % des échanges ; 86 % pour se rendre au travail contre 80 % dans la France provinciale) ou au moyen des réseaux de bus (ramassage scolaire notamment et développement du transport urbain = 54 millions de voyageurs en 2015).

Bretagne : flux domicile-travail. Crédit : Agence d’Urbanisme, de Développement Économique et Technopole du Pays de Lorient. Source : audelor.com.

Un réseau favorable aux métropoles

Se pose alors la question des équipements et infrastructures de transport. Le réseau routier peine à suivre la croissance incessante des flux, en dépit de l’existence d’un réseau de voies rapides particulièrement efficace, résultat des combats passés du CELIB. Mais, orienté ouest/est, s’il facilite la domination des métropoles de Rennes et Nantes sur le reste du territoire régional en suivant les plaines littorales, il n’innerve pas le Centre-Bretagne (lenteur de la réalisation de la RN 164 jugée économiquement non rentable) et surtout ne facilite en rien les échanges nord/sud au sein de la région, pourtant fondamentaux pour limiter justement la polarisation exercée par les métropoles de l’Est. Le développement de ces réseaux agit donc sur l’organisation du territoire breton.

Des alternatives à développer

Région Bretagne, réseau des transports express régionaux (TER). P.poschadel, sur fond de carte « ÖPNV-Karte » par Melchior Moos sous licence cc-by-sa-2.0. Travail personnel. Wikimédia.

Le réseau TER, performant en Bretagne, vise à limiter ces échanges routiers intenses. Efficace et moderne, il draine un nombre croissant de voyageurs (+ 67 % entre 2005 et 2014). Le développement des lignes à grande vitesse, en cours de réalisation, modifie la géographie de la Bretagne en diminuant les temps de transport. Le dense réseau aéroportuaire régional constitue une chance, évitant les polarisations jugées pourtant plus performantes dans la stricte logique économique mais non environnementale. Reste une sous-utilisation réelle des fonctions portuaires et du transport par eau, qui constituent pourtant le mode de déplacement le plus écologique et le moins coûteux qui soit, car elles échappent aux représentations dominantes (une vision continentale l’emportant sur une vocation maritime héritée) et aux logiques strictement économiques de la rapidité des échanges.

Aussi, gérer les déplacements, c’est-à-dire les infrastructures, favoriser un moyen de transport plutôt qu’un autre, décider de leur tracé, de leur niveau d’équipement constitue des choix forts permettant d’agir sur l’aménagement de la région, d’agir dans le sens d’un développement durable ou non.