Le charbon gallois, « pain de l’industrie bretonne », crée un cycle vertueux
Alors que l’exploitation du charbon bouleverse le sud gallois, le sud de la Bretagne connaît un essor industriel grâce à la création des conserveries, alimentées en fer blanc par Hennebont et Basse-Indre, et au formidable développement de la Basse-Loire, avec sa « rue d’usines » de Nantes à Saint-Nazaire. L’importation à grande échelle du charbon gallois favorise le développement de cette industrie bretonne.
Cette source énergétique, bon marché et facile d’approvisionnement par mer, favorise également l’émergence d’une sidérurgie bretonne dynamique, de Basse-Indre à Hennebont. En 1879, c’est à Trignac qu’est créée pour la première fois en Europe une sidérurgie sur l’eau : une unité de production d’acier « hors sol » alimentée en matières premières par mer. Jusqu’alors on installait les usines métallurgiques sur le lieu d’extraction des minerais et non sur le lieu de consommation de l’acier comme ici, pour approvisionner la construction navale nazairienne et nantaise.
L’importation de houille galloise, le fameux « Cardiff », est dynamisée par le besoin d’alimenter les usines en charbon de qualité pour la production de gaz de ville (éclairage), et dans son sillage pour l’électrification, avec la création de centrales électriques à travers toute la Bretagne. Il alimente aussi les locomotives du réseau ferré qui se met en place et la navigation à vapeur.
Les échanges commerciaux avec le pays de Galles : une opportunité pour le monde maritime breton
Si avec la révolution industrielle le cabotage breton connaît un formidable développement, les échanges avec les ports gallois vont être le moteur principal de ce dynamisme. Saint-Nazaire, grand importateur de houille cambrienne depuis les années 1850, devient, en 1873, le premier débouché en Europe pour Cardiff, alors le plus grand port charbonnier du monde. Les autres grands ports bretons suivent le mouvement, à commencer par Nantes suivi par Lorient, Brest et Saint-Malo. C’est aussi tout le réseau des petits ports bretons, de la côte nord à Pornic, qui se lance dans la « Route du charbon » et va assurer pour des décennies la prospérité du cabotage breton. Marins et armateurs bretons saisissent l’opportunité, ce qui donne lieu à un extraordinaire développement de la flotte de caboteurs à voiles.
Poteaux de mines et primeurs bretonnes contre du « Cardiff »
Le voyage est rentable à condition de charger du fret dans les deux sens. À partir des années 1820, les Johnnies avaient ré-ouvert les voies maritimes vers les îles Britanniques avec le célèbre oignon rose de Roscoff. Le développement du commerce du charbon favorise l’exportation des primeurs de la ceinture dorée (pommes de terre et choux-fleurs). L’industrie minière galloise, qui importe de grandes quantités de poteaux de mines, trouve en Bretagne l’un de ses principaux fournisseurs. Des milliers d’hectares de bois de pins sont plantés sur les terres les plus ingrates pour répondre à la demande. Les Landes de Lanvaux en sont l’exemple emblématique. Comme le rappela en 2008, à Trignac, l’écrivain Gareth Miles : « les galeries des mines galloises étaient soutenues par la forêt bretonne ! » Le minerai de fer (pays de Châteaubriant et angevin) et le kaolin de Cornouaille servent aussi de fret à partir des années 1910.
Le protectionnisme des années 1930 sonne le glas des échanges britto-gallois
Un premier coup sera porté aux échanges par la guerre maritime menée au cours de la Première Guerre mondiale. Avec la grande dépression de 1929, toute une flotte de cargos reste à quai. Cette situation va empirer avec les mesures protectionnistes prises par le gouvernement français sous l’influence du lobby des propriétaires des mines du nord de la France. Cela aura comme conséquence directe de provoquer en 1932 la fermeture des Forges de Trignac et l’effondrement du trafic portuaire. Les poteaux de mines de Bretagne ne trouvent plus preneur. Les Britanniques se détournent des primeurs bretonnes au profit, en particulier, de la production portugaise. Des deux côtés de la mer celtique, de nombreux marins sont touchés par la faillite de compagnies de navigation. Même si le trafic remonte à partir de 1935, c’est la fin d’une belle histoire maritime à laquelle l’invasion de 1940 donne le coup de grâce.
En mémoire de Gwyn Griffiths, journaliste et écrivain, artisan du rapprochement entre la Bretagne et le pays de Galles, décédé le 29 avril 2018