Corentin Pichavant, brodeur de Pont-l’Abbé

Auteur : Tudi Crequer / mars 2023

En se rendant à l’Exposition universelle de 1900, Corentin Pichavant ne se doute pas que sa voix de jeune homme résonnera encore plus de 85 ans après sa mort. Cinquième enfant d’une fratrie en comptant sept, Corentin Pichavant est dépêché à l’Exposition universelle, avec son frère aîné Auguste Pierre Marie, pour représenter l’entreprise familiale de broderie florissante. Lancée en 1868, celle-ci a connu un essor fulgurant et compte 65 brodeurs et brodeuses en 1899. Au tournant du siècle, les brodeurs Pichavant sont au sommet de leur renommée, de leur art, et possèdent la plus grande entreprise de broderie de Pont-l’Abbé.

À cette période, la famille Pichavant participe activement au mouvement régionaliste naissant. L’établissement de broderie est présent aux grandes assemblées de l’Union régionaliste bretonne, et leur travail est vanté par d’importantes figures comme Charles Le Goffic, Théodore Botrel ou François Jaffrennou. C’est donc tout naturellement que la Maison Pichavant installe une boutique sur le Village breton, devenu vitrine de la Bretagne, de ses traditions, arts, coutumes et costumes.

Dans les articles relatant le quotidien du Village breton, les frères Pichavant sont cités de nombreuses fois, tant pour leur travail de brodeurs que pour leur temps passé à la table de la Chaumière bretonne. Leur sœur cadette, Corentine Marie Pichavant, surnommée Mavinig, est présente également à l’événement. D'après l'écrivain Pierre-Jakez Helias, on l’aperçoit même sur l’avenue des Champs-Élysées au bras du comte de Najac.

Le 24 juillet, sous la direction de Léon Azoulay, Corentin Pichavant réalise deux enregistrements. La Parabole de l’enfant prodigue est un témoignage sonore unique de ce texte biblique en breton bigouden. Le second enregistrement est d’un tout autre registre, car il s’agit d’une histoire drôle sur le thème de Yann al Leue ou Jean-Le-Sot. Un répertoire très peu présent dans le catalogue de Léon Azoulay et quasiment ignoré des autres collecteurs de l’époque.

Corentin Pichavant se mariera à Loctudy avec Jeanne Boennec, âgée de 18 ans, le 25 novembre 1907. Quelques années plus tard, il sera mobilisé et partira pour le front dès le 4 août 1914, jusqu’à sa démobilisation en février 1919. Sa fiche militaire nous apprend qu’il savait lire, écrire et compter, qu’il mesurait 1m65 et avait les cheveux châtains et le visage rond. Corentin Pichavant décédera le 1er avril 1938, à l’aube du second conflit mondial.

Les ateliers de l’entreprise Pichavant seront dirigés par Auguste Le Berre, petit-fils des fondateurs de la maison Pichavant, à partir de 1932 et jusqu’à la fermeture vers 1965.

« Conte populaire sur l’amour », dit par Corentin Pichavant.

La transcription actuelle a été réalisée par Yann Guillamot. [Certains termes sont en italique. C’est la méthode choisie par Yann Guillamot pour trouver un compromis entre oralité de la parole et retranscription peurunvan.]

Breton, dialecte de Pont-l’Abbé, Bigoudène

« L’amour », vieux conte.

Corentin Pichavant :

Doare petore e vez kaset ar briedelezh d’un den yaouank.

Gwechall e-barzh e Pornaleg e oa un den hag en doa ur mab. Ar mab-se e oa dizesperet o welet

anezhañ lar ne zimeze ket. Petra en doa graet dezhañ neuze ?

Eñ en doa ur vatezh a oa hec’h anv Ar Vadelezh, Marjann.

- Setu Marjann baourez ! Met petra bennak a rafez ivez evit lakaat ar paotr Yann aze e-giz-se

da zimeziñ ?

- Gortoz, gortoz, gortoz ! Me a zo o vont bremaik-tuchant da zegas dezhañ c’hoant

dimeziñ !

Hag hi da vont ivez da Bont’n-Abad, aze e-giz-se e oa ur patiser e-barzh ar ru vras, ha kas ganti

ur panerad gwastell. Ha mont goude-se neuze, pa oa aet Yann da gousket, da e wele gantañ.

-Yann…

-Petra a zo Marjannig ?

- Dal ! Bez’az to priedelezh ?

Hag hi hag ober ur wastellenn dezhañ neuze…

-Che… a lâr-eñ, ar briedelezh a zo mat ! Groez din un all c’hoazh !

-Un all c’hoazh ?

-Eya !

A-barzh fin he doa groet un dousenn dezhañ. Un dousenn gwastilli. Setu e-giz e dad a oa neuze

e-barzh ar gwele all e-kichen ivez, hag a lâre dezhañ :

-Ale, paotr Yann, pign !

Hag eñ ha pignal neuze war-c’horre ur sol. Ha dindan ar sol-se neuze e oa un nev a oa dour en

enni. Hag e dad ha laret dezhañ neuze :

-Diskenn, diskenn c’hoazh paotr Yann !

Hag eñ ha diskenn neuze :

-Tad, a lâr eñ, me a zo kouezhet e-touez an dour !

-Mat, mat emaout, mat emaout !

Ha setu e giz-se neuze. Hag eñ ha lâret da Marjann :

-Marjann ! A, Marjann ! Bez’ eo graet mat… ma peus trapet e briedelezh e vo mat neuze.

Hag en ur gouezhal e-barzh an dour en doa peget e-barzh en ur c’hazh hag ar c’hazh-se en doa

blev.

-Setu amañ ’ zo blev c’hoazh…

-Dres, dres, dres ! Mat emaout ! Mat emaout !

 

 

CITER CET ARTICLE

Auteur : Tudi Crequer, « Corentin Pichavant, brodeur de Pont-l’Abbé », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 23/03/2023.

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Proposé par : Bretagne Culture Diversité