Les migrations bretonnes constituent un phénomène complexe aux aspects multiples qui prend ses racines dans une histoire ancienne. La péninsule doit ainsi son nom à des émigrés, les Bretons, venus d’outre-Manche à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge, même si, en l’absence de sources, l’ampleur de cette migration reste difficile à appréhender.
Dans le monde entier
À partir du XVIe siècle, l’émigration bretonne va suivre les aléas de la politique coloniale française. Région maritime, la Bretagne voit ses ports profiter du développement des possessions outre-mer. Fréquentant les bancs de pêche de l’Atlantique nord, les Bretons sont ainsi nombreux à s’installer dans les colonies américaines, particulièrement au Québec, reconnu par le Malouin Jacques Cartier dans les années 1530. La présence de leurs descendants est toujours notable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nombre de Bretons s’illustrent également dans l’expansion militaire et coloniale française, comme René Madec aux Indes, Charner en Indochine ou Bouët-Willaumez en Afrique de l’Ouest. En marge de la politique coloniale française, quelques tentatives de colonies bretonnes de peuplement échouent au XIXe siècle. Un projet commun avec les Gallois vers la Patagonie en 1865, soutenu par le poète Charles de Gaulle, fait ainsi long feu. Des centaines de Bretons émigrent cependant vers l’Argentine, dans d’autres régions que celles où les Gallois s’installent à la fin du XIXe siècle. Quant au projet de Port-Breton , en Papouasie, il se solde par un scandale financier retentissant.
Émigration intérieure
Sans prendre en compte les destins particuliers, l’implantation de Bretons sur d’autres continents ne revêt pas de caractère massif, à l’exception de New York au début du XXe siècle. En revanche, l’émigration bretonne apparaît souvent comme un phénomène de masse dans d’autres régions françaises, particulièrement entre 1850 et 1950. La Bretagne connaît alors une forte poussée démographique. Région restée rurale, son sous-développement industriel provoque une émigration économique importante.
Ces mouvements de populations concernent en premier lieu la région parisienne. Les femmes trouvent souvent de l’engagement comme domestiques, le personnage de Bécassine en venant à incarner le stéréotype de la « bonne bretonne ». D’autres sombrent dans la prostitution. Les hommes trouvent de l’emploi dans les usines de la couronne parisienne et Saint-Denis devient ainsi l’une des plus grandes villes bretonnes. Beaucoup de Bretons de la banlieue participent, dans l’entre-deux-guerres, à la montée en puissance du parti communiste français, dont l’un des leaders, Marcel Cachin, est originaire du Goëlo. Nombre de ces Bretons divroet (émigrés) rejoignent les brigades internationales puis la Résistance. Communistes et catholiques tentent d’ailleurs jusqu’à une époque récente de structurer cette émigration. L’abbé Cadic anime ainsi une paroisse bretonne à la fin du XIXe siècle. La Mission bretonne, créée par l’abbé Élie Gautier en 1947 et animée par son successeur le père Le Quemener, outre son rôle culturel, a eu une fonction d’accueil non négligeable après la Seconde Guerre mondiale. Le PCF a également eu ses organisations comme celle des Bretons émancipés des années 1930.
L’émigration bretonne a aussi été particulièrement importante au Havre , siège de l’une des plus anciennes amicales (50 000 des 180 000 habitants du Havre sont d’origine bretonne), et dans le Périgord, où l’office de Landerneau encourage, dans les années 1920, des paysans à s’installer sur des territoires délaissés. Les Bretons sont également présents dans les deux grands ports méditerranéens de Marseille et Toulon, surnommé dans l’entre-deux-guerres Kermoco (de « ker », maison en breton et « moco », surnom donné aux habitants du sud de la France).
Malgré une émigration importante aux XIXe et XXe siècles, les Bretons n’ont pas vraiment constitué de diaspora, comme celle des Irlandais d’Amérique, à l’exception peut-être des réseaux bretons de Paris (on estime à un million le nombre d’habitants d’Île-de-France ayant une origine bretonne). Néanmoins, depuis deux décennies, des efforts réels de structuration des Bretons exilés sont observables.