Avant la Révolution, une cuisine pauvre
Avant la Révolution française, la crainte de la famine était toujours présente. La première exigence était d’avoir suffisamment à manger pour avoir la force de travailler la terre. « Un sac vide ne tient pas debout » disait-on. La majorité des Bretons étaient paysans et exploitaient des terres qu’ils avaient défrichées puis laissaient en jachère. Les sols étaient trop pauvres pour produire le blé ou les céréales qui auraient permis de faire du pain. Ils devaient se contenter du sarrasin, ou blé noir, avec lequel ils préparaient des bouillies, des fars en sac et des crêpes. Ces substituts du pain constitueront la base de la cuisine bretonne.
Au XIXe siècle, l’agriculture connaît d’importants changements. Le développement de la culture de la pomme de terre éloigne la crainte de la faim. Les progrès techniques permettent de produire du blé et surtout du seigle. Les lois qui réservaient la possession d’un four aux personnes nobles sont abolies et chacun peut désormais produire ses céréales et faire son pain. Les procédés anciens de substitution donnent naissance à une cuisine de terroir. C’est particulièrement le cas des fars en sac ou au four qui sont différents du pays de Léon au pays de Vannes par exemple. De nouvelles recettes apparaissent qui utilisent la viande de porc et les légumes. Les Bretons recherchent désormais à se satisfaire en qualité et non plus en quantité.
L’apparition d’une gastronomie bretonne
Les premiers touristes qui viennent avec le chemin de fer cherchent une cuisine de produits qu’ils associent à la nature et aux paysages les plus sauvages de la Bretagne. Ce sont d’abord les fruits de mer comme les huîtres et les crustacés qui répondent à cette image romantique. Ainsi, au début du XXe siècle, Curnonsky, « le prince des gastronomes », visite la Bretagne. Il exprime son plaisir de profiter de produits de qualité comme les poissons dont les saveurs portent la force de la nature et du paysage et le courage de ses habitants.
Dans l’intérieur des terres, des visiteurs, en particulier britanniques, viennent chasser un gibier qui était ensuite cuisiné dans les auberges locales. L’élargissement des terres cultivables et l’utilisation des amendements permettent le développement du maraîchage et la spécialisation des productions comme les artichauts et choux-fleurs du Léon ou les fraises de Plougastel. La pêche et l’agriculture fournissent les marchés des grandes villes et en particulier les halles de Paris. Ainsi naît une réelle gastronomie de produits qui est éloignée de la tradition culinaire populaire. Cette cuisine traditionnelle se maintient dans les campagnes, même si elle évolue avec l’accès à de nouveaux produits et l’évolution des moyens de cuisson.
La Bretagne gastronomique s’ouvre au monde
L’exode rural et l’installation dans les villes, voire à l’étranger, ont des conséquences inattendues. C’est ainsi que fleurissent partout des crêperies bretonnes. À l’origine, c’étaient de petites échoppes où les clients des foires et marchés mangeaient des crêpes beurrées qu’ils tenaient dans la main. Dans les années 1950 apparaissent à Paris et dans les grandes villes des lieux de restauration, où l’on sert les crêpes dans des assiettes. Les crêpes sont désormais le support de garnitures les plus diverses et souvent, comme le fromage, étrangères à la Bretagne. Le succès est international et urbain.
Dans les années 1970 se développe également une nouvelle gastronomie bretonne qui s’appuie, entre autres, sur les collectes de recettes effectuées par Simone Morand. Les autorités régionales encouragent ceux qui mettent en œuvre un rapprochement entre cuisine de tradition et gastronomie des produits. En 1994, les musées bretons organisent une exposition : « Quand les Bretons passent à table ». Pendant quatre années, elle présente dans les cinq départements la spécificité culinaire de la Bretagne. L’effet est de dynamiser le secteur de la restauration.
La gastronomie bretonne est aujourd’hui une marque identitaire de la Bretagne
L’image culinaire et gastronomique de la Bretagne apparaît aujourd’hui renforcée et constitue un élément fort de l’identité collective. C’est ainsi que les repas autour du kig-ha-farz, qui était un plat familial du pays de Léon, sont devenus partout l’occasion de rassemblements locaux et solidaires. Les restaurants gastronomiques comme les crêperies font partie de l’économie du tourisme. Ils sont emblématiques d’une Bretagne qui rassemble des objectifs de culture, de qualité de vie et de développement.