Faisant suite aux blouses, tabliers ou bourgerons, treillis portés lors des corvées par les soldats en garnison, le bleu de travail apparaît dans le vestiaire ouvrier et rural au tournant du XXe siècle. Vêtement masculin, fonctionnel, mis au point pour protéger le corps entier des salissures des usines et des ateliers, il est constitué de cottes, de pantalons, de combinaisons, de complets veste-pantalon. Il ne se nomme « bleu de travail » qu’une fois maîtrisée la technique de la teinture à cœur des textiles : grâce au bleu de cuve, les étoffes sont résistantes à la température élevée du lavage et ne se dégradent pas à la lumière. En outre, ce colorant atténue avantageusement l’effet des tâches et des salissures.
Le bleu de travail résulte d’une économie d’échanges qui dépasse le cadre régional : tissage et teinture sont réalisés dans le nord et l’est de la France, laissant le façonnage aux entreprises régionales. Celles-ci acquièrent très tôt un savoir-faire reconnu et réussissent à répandre les bleus de travail aussi bien en campagne qu’en ville.
La recherche d’étoffes solides conduit à essayer aussi bien le coutil, une toile serrée composée de chanvre, de coton, ou de lin, le « métis » (un mélange de plusieurs variétés de laine), la « longotte » (un tissu de coton gros et lourd, étoffes plus souvent brunes que bleues). Dans les années 1960, la moleskine, toile de coton tissé serré, réputée pour sa résistance aux déchirures, devient le fleuron de la marque Le Mont St Michel. À cela s’ajoutent les gris de fatigue portés par-dessus le bleu de travail, pour le protéger des salissures, des tâches ou des souillures.
C’est un vêtement que les confectionneurs perfectionnent continuellement en imaginant tout à tour des rabats pour les poches, des fermetures à glissière, des poches mètre sur une jambe de pantalon destinées au rangement d’un mètre pliant et des poches arrière pour y mettre les gants de travail. Sa coupe doit permettre d’éviter tout accrochage aux machines, qui se sont répandues dans les usines avec la révolution industrielle. Pour répondre aux effectifs travaillant dans les usines, les fabrications, renouvelables chaque année, se chiffrent en centaines de pièces particularisées. De plus, elles doivent tenir compte de la diversité des corpulences du personnel. Ainsi, en 1978, l’atelier du maître tailleur du port de Brest, qui fournit l’arsenal en tenues de travail, les confectionne en 31 tailles de vestes, 11 tours de poitrine et 4 longueurs d’effets.